Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
l’escarcelle familiale. Mais il meurt de maladie au retour.
Vient le fils de celui-ci, notre deuxième grande célébrité : Louis IX, autrement dit Saint Louis (1226-1270). Un saint chez les rois, il en est peu. Sa réputation était telle qu’il fut canonisé moins de trente ans après sa mort, et son aura irradia longtemps : il fut, il est l’un des rois les plus populaires de France (l’appellation, pour une fois, tombe juste. Répétons-le, c’est de son vivant que l’on commença à utiliser le titre). Tant d’amour n’est pas tout à fait immérité. Sa mère, Blanche de Castille, lui avait inculqué la peur du Ciel et le goût des vertus évangéliques : rares furent les princes qui cherchèrent à les faire régner avec autant d’obstination et de droiture. Il aima la justice, d’abord. Chacun a en tête l’image du grand chêne de Vincennes sous lequel il aimait à la rendre lui-même. Il lutta aussi ardemment par diverses ordonnances pour qu’elle s’améliore partout dans le royaume : l’une d’entre elles interdit par exemple que l’on fasse désormais le moindre cadeau à ceux qui jugent. Il aima la paix ensuite, un autre penchant qu’on retrouve chez peu de ses pairs. Pour l’avoir, il alla jusqu’à restituer des fiefs au roi d’Angleterre (qui en échange acceptait de prêter hommage pour eux au roi Louis) et au roi d’Aragon – de cela, notons-le par parenthèse, les manuels d’antan parlaient moins : on ne peut pas poser que nos régions sont françaises de toute éternité et rappeler qu’un des plus grands de nos rois n’hésita pas à les rétrocéder à d’autres rois pour garantir le bonheur des peuples. Tous ses successeurs le prirent comme modèle. De son vivant même il était adulé : de partout en Europe, on sollicitait son arbitrage et cela rehaussa d’autant le prestige de la couronne de France. Le seul problème, finalement, avec ce saint homme, est que ce que l’on appelle un « bon chrétien » au xiii e siècle n’est guère loin de ce qu’on appelle au xxi e un fanatique. Il y a la croisade contre les musulmans. Louis en fit deux et y perdit la vie devant Tunis à la suite d’une mauvaise maladie. Il y a la politique conduite dans le royaume contre les Juifs. Louis IX n’est pas le seul à s’être livré au terrible antijudaïsme qui devint peu à peu la règle dans presque toute la chrétienté au Moyen Âge. On reviendra également sur ce sujet. Mais il y eut sa part : des chrétiens accusent le Talmud, le grand livre de la sagesse juive, de contenir des passages infâmes contre le Christ. Après un simulacre de controverse, il fait brûler des charretées entières des précieux ouvrages en place de Grève. La dernière année de son règne, pour suivre les consignes d’un concile que d’autres princes préfèrent ignorer, il oblige ses sujets juifs à porter la rouelle, une pièce de tissu, un signe distinctif et humiliant inventé pour les mettre à l’écart de la société des hommes. Je sais, il faut se garder, en histoire, de trop mélanger les époques : les télescopages brutaux n’ont pas grand sens. Tout de même, savoir que le grand Saint Louis est aussi celui qui, en France, promut l’ancêtre de l’étoile jaune, comment dire ? Sur les blancs revers de son manteau d’hermine, cela fait tache.
Philippe le Bel (1285-1314)
Après lui vient le pâle Philippe le Hardi (1270-1285) puis enfin le dernier grand nom de notre liste : Philippe « le Bel ». Avec lui la machine part dans l’autre sens, on n’est jamais dans l’hagiographie, plutôt dans la légende noire. Nul historien, nul manuel ne conteste qu’il fut à sa manière un homme d’État et qu’il porta le royaume à un point de puissance inouï. Seulement, il y a toujours dans le portrait quelque chose d’obscur, de hanté. Maurice Druon et son best-seller des années 1950, puis la fameuse adaptation télévisuelle qu’en fit Claude Barma dans les années 1970 sont passés par là. Pour tous les Français qui ont goûté l’un ou l’autre, Philippe est surtout le noir héros des Rois maudits .
D’abord, c’est l’homme qui fit jeter au cachot les épouses de ses fils, les princesses de la tour de Nesles, parce qu’elles se livraient à l’adultère – les amants furent mis au supplice, châtrés, éviscérés puis pendus. On ne badine pas avec la vertu des princesses, elle est censée, ne l’oublions pas, garantir la pureté de la
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