Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
successions, par la conquête, à l’étendre. Pour autant, il faut l’avoir en tête, il ne dispose pour régner d’aucun autre des instruments qui, à nos yeux, semblent être la base même de l’exercice du pouvoir.
Par exemple, il n’existe pas de corps de fonctionnaires efficaces pour relayer l’autorité royale. Philippe Auguste en jette les fondements à la fin du xii e siècle seulement, en créant les baillis, assistés des prévôts, des hommes chargés de rendre un peu la justice, de regarder les comptes. Mais il faut attendre Charles V, au xiv e , pour voir fonctionner l’embryon d’une administration centrale.
Ces gens qui passent leur vie à guerroyer n’ont pas non plus d’armée à leur main. L’idée incroyablement neuve d’une force permanente à la disposition du souverain ne naîtra qu’au xv e siècle. Jusque-là, quand on veut des troupes, on met en branle une très lourde et très lente machine : on convoque le ban et l’ arrière-ban , c’est-à-dire l’ensemble des vassaux, pour qu’ils constituent l’ ost , l’armée féodale, comme c’est leur devoir. Seulement, il est d’autant plus pénible de s’en remettre au service des vassaux qu’une fois sur deux c’est contre eux qu’on se bat.
Voilà à quoi on peut résumer les trois premiers siècles capétiens : la saga d’une famille qui cherche sans cesse à se fortifier en agrandissant un espace toujours disputé par ceux sur qui elle est censée régner. Il faut dire que les vassaux sont coriaces. Il en est de petits, mais retors. Dans les manuels du début du xx e siècle, on faisait grand cas de la longue lutte de Louis VI le Gros (1108-1137) contre le modeste seigneur du Puiset, rebelle très résistant : il fallut au roi sept ans pour en venir à bout.
Il en est de si puissants qu’ils sont capables de faire vaciller tout le système. Dans cet écheveau complexe, rien n’empêche en effet un grand du royaume, à coups de conquête ou d’héritage, de devenir encore plus grand, jusqu’à dominer celui devant qui il a pieusement plié le genou. Pour le comprendre, il faut se tourner vers le nord-ouest et regarder la Manche, c’est de là que viendront, pour les Capétiens, des siècles de soucis.
En 1066 a lieu un événement déterminant qui nous ramène à notre fameuse Normandie. Les Vikings d’hier y ont fait souche, ils ont conservé quelques coutumes venues de leurs ancêtres, ils ont donné au futur français quelques mots de leur ancienne langue (en particulier dans le domaine maritime), mais pour l’essentiel ils sont « intégrés », comme on ne dit pas encore. Leur duc, Guillaume le Bâtard, a toutefois gardé de ses racines un trait : l’ambition. À la suite d’une sombre affaire de promesse que lui aurait faite avant de mourir son cousin Édouard, roi d’Angleterre, il embarque sa puissante armée à Dives, près de Cabourg ; la débarque à Hastings ; y défait les troupes de celui qui avait ravi le trône, Harold (tué dans la mêlée) et, le 25 décembre, se fait couronner à l’abbaye de Westminster à Londres roi d’Angleterre. Celui que l’on appelle désormais Guillaume le Conquérant est donc toujours vassal des Capétiens pour son duché de Normandie, et leur égal outre-Manche grâce à sa couronne.
Trois générations plus tard, la situation s’embrouille encore un peu plus. D’incessantes querelles familiales tournent quasiment à la guerre civile et ensanglantent la succession au trône anglo-normand. On finit par s’entendre. Le nouveau roi sera le jeune fils de Mathilde, elle-même petite-fille du Conquérant. Il est né au Mans, il s’appelle Henri. Son grand-père paternel avait l’habitude de planter un genêt à son chapeau, la famille y a trouvé son nom, on appellera ses membres les Plantagenêts. Henri Plantagenêt, donc, tient de son père d’immenses possessions dans l’Ouest de la France, dont l’Anjou. En mai 1152, il fait un mariage magnifique et incroyable. Il épouse celle qui vient d’être répudiée par le roi de France Louis VII. Le prude monarque l’accusait d’être frivole. Elle s’appelle Aliénor d’Aquitaine. Ce nom nous indique l’importance de sa dot : elle apporte à son jeune mari la Gascogne, la Guyenne et le Poitou, c’est-à-dire tout le Sud-Ouest du royaume. En 1154, à la mort à Londres de son prédécesseur, Henri monte sur le trône. Il devient Henri II, roi d’Angleterre. Avec tout ce
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