Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
chrétienne ; les champs et les villes demeurent à l’ombre des clochers ; du baptême à la mort, chaque moment, chaque geste de la vie est imprégné de christianisme. Bien sûr, il faut parler de l’Église, mais comment ? Cela n’est pas si simple. Il y a beaucoup de sujets d’histoire qui divisent. Peu qui amènent autant d’idées préconçues.
Repères
– 910 : fondation de l’ordre de Cluny, restauration de la Règle de saint Benoît
– 1115 : fondation de l’abbaye de Clairvaux par saint Bernard
– 1208 : « croisade des albigeois » prêchée par le pape pour en finir avec l’hérésie cathare
– 1244 : prise de la forteresse de Montségur, dernier refuge cathare
– 1378-1417 : « Grand schisme d’Occident », la chrétienté déchirée entre deux papes, l’un à Rome, l’autre à Avignon
Se reconnaît-on de la tradition laïque et l’on suivra les chemins ouverts jadis par Voltaire ou, un siècle plus tard, par Michelet. On ne retiendra du christianisme médiéval que sa légende noire et on sortira de l’armoire du temps la sinistre panoplie qui l’accompagne : moines fanatiques dont le visage cruel se perd dans l’ombre de la capuche ; prêtres perfides n’aimant brandir le crucifix que devant les gibets ; geôles humides et chaînes rouillées des inquisiteurs ; innocents livrés à la torture, esprits libres frappés d’interdit, livres jetés dans les bûchers. C’est une façon de considérer les choses. Elle n’est pas sans fondement. À partir du xii e siècle, l’obsession du catholicisme, c’est la lutte contre les hérésies , c’est-à-dire toutes les façons de s’échapper du dogme tel qu’il est édicté par Rome. Les hommes en trouvent beaucoup. Tant d’âmes pures rejettent l’Église telle qu’elle leur apparaît alors, grasse, corrompue, si loin du message originel.
Vers 1170, par exemple, Pierre Valdo ou Valdès, un riche marchand de Lyon, écœuré par la corruption du clergé, rêve d’un retour à l’Évangile. Il donne tous ses biens, prêche la pauvreté et ose une pratique alors inouïe : il fait traduire le Nouveau Testament en langue vulgaire pour que le peuple puisse le comprendre. Une telle folie est inacceptable : si le peuple lit le saint livre, à quoi serviront les prêtres ? Valdo est condamné, les membres de la fraternité qu’il a créée sont excommuniés et ses partisans, que l’on appelle d’après son nom les vaudois , ne peuvent survivre qu’en discrètes petites communautés, plus ou moins cachées en Suisse ou dans le Nord de l’Italie.
Parfois, ces diables d’hérétiques sont autrement coriaces, il faut pour les réduire mobiliser des armées entières et massacrer pendant des décennies. On l’a compris sans doute, je parle des célèbres cathares . Leur doctrine emprunte au christianisme, mais elle est mâtinée du manichéisme venu de Perse et d’autres doctrines orientales. Elle pose une séparation absolue entre un Dieu bon qui est tout esprit, et la matière, qui est le mal dont il faut se détacher ; et rejette avec horreur le catholicisme et sa hiérarchie qui lui semblent le symbole de la dépravation. Venue de Bulgarie et des Balkans vers l’an 1000, elle prolifère deux cents ans plus tard dans les riches terres du comte de Toulouse. Pour en venir à bout, le pape, en 1208, ne prêche rien moins qu’une croisade. On l’appellera la « croisade des albigeois », la ville d’Albi étant considérée comme une des bases des hérétiques. Cette véritable guerre dure des décennies : en 1244, il faut mobiliser encore des forces exceptionnelles pour venir à bout de la forteresse de Montségur, dernier refuge cathare. Elle est sanglante, jalonnée d’horreurs, de massacres, et dominée par un mot que l’on prête à Arnaud Amaury, le légat pontifical. Devant Béziers qu’il s’apprête à mettre à sac, alors qu’on lui demande comment on saura distinguer les mauvais des bons chrétiens, le chef de la croisade aurait dit : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » On n’est pas sûr que la phrase ait jamais été prononcée, mais tous les laïques la connaissent : même fausse, elle résume parfaitement le fanatisme indiscutablement à l’œuvre durant cette période.
Les historiens sont d’accord aujourd’hui pour montrer que l’entreprise avait plus à voir avec la géopolitique qu’avec de réelles motivations spirituelles. Emmenée par les
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