Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
ans, désormais, reprendront d’autres épidémies, de moindre ampleur heureusement.
La culture, l’art, sont bouleversés, domine désormais le goût du macabre, de la mort. Des régions entières sont vidées de leurs habitants, des terres retournent à la jachère, l’économie est déstabilisée. On estime que dans la plupart des pays il faudra deux ou trois siècles pour retrouver les taux de population du début du xiv e siècle.
Les ravages de la guerre n’ont pas de drapeau
Est-ce à dire que les populations traumatisées par le terrible mal sont indifférentes aux malheurs de la guerre ? Non, évidemment ! Partout où elle passe, dans les villes ou les campagnes, la guerre, elle aussi, fait des ravages. Et peu importe le soldat qui les cause. C’est là une des grandes différences avec les conflits nationaux du xx e siècle, c’est là une des raisons pour lesquelles il ne faut pas les confondre. Dans les guerres modernes que nous avons en tête, l’uniforme, le camp fait tout : il y a l’armée de son pays, qui est là pour protéger, pour défendre et dont on applaudit les victoires à grands cris ; il y a l’armée ennemie que l’on hait autant qu’on la craint. Rien de tel en cette fin de Moyen Âge. Pourquoi le peuple des bourgs ou des campagnes se réjouirait-il des victoires d’un roi plutôt que d’un autre ? La misère qu’amène la guerre ne connaît pas de drapeau. Pour les pauvres gens, sous le heaume et l’armure, pas d’amis, pas d’ennemis, tout soldat est un danger, point final. Le voir apparaître au bout du champ ou au détour de la route qui mène au bourg annonce le désastre et la ruine, quelle que soit la bannière qu’il prétend défendre. Et qui sait jamais celle qu’il sert réellement ? Génois, Allemand, ou venant d’ailleurs, brinquebalé de province en province, le militaire de l’époque est presque toujours un mercenaire. Il sert un camp puis l’autre, au gré de ses engagements ou des revirements d’alliance de son seigneur. Poussé par des chefs qui n’imaginent même pas que l’on puisse avoir de la considération pour le sort des civils, il est prêt à toutes les cruautés, aucune ne lui sera jamais reprochée. Mal payé, mal nourri, il ravage les campagnes où il passe, puisque c’est son moyen de survivre ou d’amasser un maigre pécule.
On l’a vu au chapitre précédent : le premier rôle que Charles V assigne à Du Guesclin est de débarrasser le pays des « grandes compagnies ». Tous les livres en parlent, ils oublient souvent de rappeler au passage que ces troupes de brigands étaient formées des soldats qui combattaient peu avant pour le même Charles V – ou tout aussi bien pour son adversaire : rendus à leur liberté, les mercenaires s’étaient fondus dans les mêmes bandes. Que dire des vaillants lieutenants de Jeanne d’Arc, les Lahire, les Xaintrailles, qui firent merveille derrière elle, à Orléans ou ailleurs, et dont le nom fit rêver des générations de bons petits Français ? On en a fait des modèles de héros, prompts à défendre au péril de leur vie leur patrie et leur peuple. Ils firent sans doute moins rêver leurs pauvres contemporains. Sitôt la trêve signée avec les Bourguignons, comme n’importe quels chefs de guerre avant eux, ils participent à ces autres bandes qui sèment encore la désolation et qu’on appelle alors « les écorcheurs », ce qui est tout dire.
Non, la guerre de Cent Ans n’est pas la guerre de 14. Le critère national, fondamental au xx e siècle, ne peut résumer le conflit d’hier. D’autres paramètres non moins essentiels entrent en jeu. Lorsqu’éclate la Jacquerie, en 1358, des nobles qui servaient hier les Valois n’hésitent pas à s’allier à ceux qui soutiennent les Plantagenêts (comme le célèbre Gaston Phébus) pour aller mater ces vilains qui osent se révolter et empêcher les gens convenables de jouer au plus noble des jeux, c’est-à-dire de mener tranquillement leur bagarre entre eux.
Si le peuple craint la guerre, il craint plus encore ce qui sert à la financer : l’impôt. Comme les conflits coûtent de plus en plus cher, il en faudra beaucoup. Après le soldat, un autre personnage est capable de semer la terreur dans les campagnes, de vider les villages de leurs habitants, de les faire partir à la hâte pour se cacher dans les forêts avec leur maigre vache et leurs trois hardes : l’« homme du roi », le
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