Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
s’aperçoit bien vite du nouveau fléau qui va frapper le royaume : le roi est fou. Selon la chronique du temps, le mal l’a pris alors qu’il traversait la forêt du Mans en plein soleil, l’été 1392 : en état de démence totale, il tua quatre personnes de sa propre escorte. La folie le frappera par intermittence jusqu’à sa mort. Personne à l’époque ne sait comment débarrasser le pays d’un tel fardeau. Il est vrai que la perception médiévale de la maladie mentale n’est pas la nôtre. Nul n’estime alors que la folie est à même d’empêcher quiconque de régner. Elle est envoyée par Dieu, elle entre dans ses desseins. À chaque crise du roi, le peuple de Paris ne sait rien faire d’autre, nous disent les chroniqueurs, que d’organiser processions et prières publiques pour demander au ciel de rendre sa santé au prince. Cela dura trente ans.
La reine Isabeau de Bavière organise comme elle peut un conseil de régence mais les grands se déchirent. Très vite, en ce début de xv e siècle, le pays va être livré à deux clans ennemis qui ne connaîtront d’autres lois que la haine qu’ils se vouent. Le premier est celui de la famille qui, depuis Philippe le Hardi (le héros de Poitiers, le vaillant cadet de Jean le Bon), règne sur le puissant duché de Bourgogne dont le roi Jean a fait cadeau à son fils. On les appelle donc les Bourguignons. L’autre est dirigé par Louis d’Orléans, frère de Charles VI. En 1407, il est assassiné sur ordre de Jean sans Peur, chef des Bourguignons. Son fils, Charles d’Orléans, lui succède. Il a épousé la fille d’un puissant personnage du Sud du pays, Bertrand d’Armagnac, dont la nombreuse tribu fait sienne sa querelle : on appellera donc ce parti-là les Armagnacs. À l’ombre d’un trône sur lequel est assis un fou, sous le gouvernement d’une reine, Isabeau, et d’une famille royale qui ne cessent de balancer d’un parti à l’autre, voici l’état du royaume : on se tue, on se venge, on fomente émeutes et complots, on intrigue pour prendre telle province, pour contrôler tel organe de gouvernement, on investit Paris, on perd Paris, on prétend se réconcilier, on se trahit à nouveau. C’est l’horrible « guerre des Armagnacs et des Bourguignons », un cauchemar qui lui aussi dura des décennies.
Au beau milieu du drame réapparaît alors un personnage qu’on aurait eu tort d’oublier si vite : le roi d’Angleterre. Celui du moment s’appelle Henri V. Ce jeune homme est porté par une foi en Dieu doublée d’une foi en lui-même qui confine au fanatisme. Mais il a les moyens de cette immense ambition : c’est un chef de guerre hors pair et un homme d’État au sens politique sûr et déterminé, le plus grand roi d’Angleterre depuis Édouard III. Il sent son heure venue. Les Français ne s’entendent plus ? Il en profite pour reformuler solennellement les prétentions posées quatre-vingts ans plus tôt par Édouard : c’est à lui que doit revenir le trône de France. En 1415, il débarque à Harfleur, en Normandie, et entreprend une longue marche pour rejoindre Calais. Comme cela se passa huit décennies auparavant, une lourde armée française est envoyée à sa rencontre pour lui barrer la route. Près d’un petit village du Pas-de-Calais, Henri V opère un mouvement tournant et affronte, avec ses 12 000 fantassins et ses archers, les 50 000 hommes envoyés pour l’écraser. Le roi anglais vit dans son temps. Les Français ont deux siècles de retard : leurs chevaliers chargent en premier. Il a plu, le terrain est impraticable, les premiers chevaux s’embourbent, les lignes suivantes se ramassent sur les premières, les archers anglais peuvent ajuster leur tir : c’est le grand carnage, 6 000 morts chez les chevaliers français ; à peine quelques centaines de prisonniers. Contrairement à ce qui était en usage jusque-là, le roi anglais a donné l’ordre de ne faire aucun quartier, il perd les rançons éventuelles, mais il n’a pas ainsi à s’embarrasser de ces poids inutiles. Une génération entière de la noblesse meurt dans la boue du Nord. Le village s’appelle Azincourt. Ce nom désigne un des plus grands désastres français de l’histoire.
Henri, puissant vainqueur, poursuit ses conquêtes. En 1419, après un siège impitoyable et de nouveaux massacres, il prend Rouen, où il s’installe. À côté de Paris, la guerre des grands prend son tour le plus
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