Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
partage de villes et de territoires ; la paix est scellée par le traité d’Arras en 1435. Elle lui ouvre les portes de Paris. Il lui faudra encore près de vingt ans pour arriver au but ultime : après la reconquête de la Normandie (1450) puis de la Guyenne (1453), le royaume entier est à lui, il ne laisse aux Anglais sur le continent que leur tête de pont de Calais. Voici donc à quoi on en arrive dans tous les livres de chez nous : le pays a enfin son vrai roi, légitime et victorieux ; l’occupant est chassé, la France est sauvée. Vraiment ?
1 Dans quelques anciens ouvrages historiques et nombre de mauvais romans, quand on évoque l’éviction d’Isabelle et cette interdiction faite aux femmes de régner sur le trône de France, on se réfère à la « loi salique ». En fait, ce texte remontant prétendument aux Francs ne sera invoqué que plus tard, sous Charles V.
2 Tous ne sont pas dans ce cas. Les passionnés de cette période liront avec délice l’excellente somme que l’historien Georges Minois lui a consacré : sa Guerre de Cent Ans (Perrin, 2008) est sans doute le meilleur ouvrage sur la question, vif, exhaustif, et dénué de tout parti pris chauvin.
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La guerre
de Cent Ans
deuxième version
La même sans les clichés
Sans Jeanne d’Arc, sans le bon Charles VII et le sacre de Reims, la France, assommée par un siècle de défaites et de malheurs, aurait donc péri ? Allons donc y voir de près, mais, une fois de plus, gardons-nous de nous précipiter. Avant de chercher à savoir si l’on peut, oui ou non, contredire frontalement ce qui vient d’être exposé, commençons, dans un premier temps, par y apporter quelques nuances.
D’autres repères…
– 1415 : victoire d’Azincourt, décisive pour assurer la suprématie du roi d’Angleterre Henri V
– 1422 : mort prématurée d’Henri V à Vincennes
– 1431 : son fils Henri VI, âgé de dix ans, sacré roi de France à Notre-Dame
– 1452 : libération de Bordeaux, occupée depuis un an par les Français, par le chef anglais Talbot appelé au secours par les Bordelais
Il y a pis que la guerre : la peste
La guerre de Cent Ans est un épisode incontournable de l’histoire militaire et politique de la France et de l’Angleterre, et le grand jalon entre le Moyen Âge et la Renaissance. N’oublions pas, néanmoins, que l’événement fondamental du xiv e siècle, le traumatisme durable qui va marquer à jamais les populations de ces deux pays, mais aussi de toute l’Europe, n’est pas lié à ce conflit et ne vient pas de la Manche. Il arrive un beau jour de 1347 par la Méditerranée, en provenance de plus loin encore : la mer Noire. Là-bas se trouve Caffa, un comptoir commercial génois. Vers les années 1340, ce port est assiégé par les Mongols et ceux-ci ont mis au point une technique atroce pour venir à bout de la résistance des défenseurs de la ville. Ils catapultent par-dessus les murailles des cadavres de victimes d’un mal que l’Europe n’a pas connu depuis l’Antiquité : la peste. C’est la panique. Fuyant en bateau, les Génois rapportent le mal à Constantinople, en Grèce, en Sicile, à Venise, à Marseille, partout où ils accostent. L’épidémie flambe à la vitesse de l’éclair. En trois ans, selon les estimations que l’on a pu faire, on voit mourir entre un tiers et une moitié de l’ensemble de la population du continent. On a bien lu. En quelques semaines, en quelques mois, on voit disparaître une personne sur trois, parfois une sur deux, dans des souffrances atroces, sans que nul ne sache comment enrayer ce mal. Il est transmis, au départ, par les puces, elles-mêmes véhiculées par les rats : les chats auraient donc pu constituer le seul maigre rempart contre le fléau. Hélas, on avait l’habitude de tuer ces malheureux animaux supposés être voués au diable. Aussi, comme face à tous les autres malheurs du temps, on s’en remet à Dieu, on prie, on processionne. Dieu reste sourd. On invente alors d’autres façons, atroces, de faire appel à lui : partout, à la suite de l’épidémie, se répand, chez les chrétiens devenus fous, un autre fléau, la haine de la minorité non chrétienne que l’on a sous la main, les Juifs. On a parlé de cela, déjà. Bientôt, des flagellants paraderont dans les villes, comme si leur propre souffrance pouvait atténuer celle que le ciel a envoyée et qu’il renverra encore : tous les dix ou quinze
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