Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
dramatique : sur le pont de Montereau, là où les deux chefs ennemis ont décidé de se retrouver pour se réconcilier, une rixe éclate. Jean sans Peur, le chef des Bourguignons, est assassiné sous les yeux mêmes du chef des Armagnacs, Charles, le propre fils de Charles VI et aussi son dauphin. La haine est désormais insurmontable. Charles doit fuir Paris. La reine Isabeau, hier proche des Armagnacs, penche désormais du côté bourguignon et se résout avec eux à l’alliance avec les Anglais. Une solution est trouvée, formalisée par le traité de Troyes (1420). Dans tous les manuels, on ne l’appelle pas ainsi. On écrit souvent « le honteux traité de Troyes », celui qui « livre la France aux Anglais ». Voici ce qu’il prévoit : Henri V épouse Catherine de Valois, fille de Charles VI et d’Isabeau, il devient l’héritier en titre du trône de France, et sera roi à la mort de Charles VI, tout en étant roi d’Angleterre : ce sera la « double monarchie ».
Le seul fils resté vivant de Charles VI et d’Isabeau, l’homme du pont de Montereau, le dauphin, est déshérité. Pendant longtemps, la petite histoire nous a raconté qu’Isabeau avait même laissé entendre que ce fils n’était pas d’elle. Les historiens d’aujourd’hui jugent cette thèse invraisemblable : selon eux, Isabeau a renié son fils pour des raisons purement politiques. Aux mains du clan Armagnac, il vit réfugié à Bourges, dans la seule partie du royaume qui lui soit restée fidèle. C’est de là que va repartir le dernier épisode de notre long feuilleton.
En 1422, énorme rebondissement : Henri V meurt prématurément, d’une crise de dysenterie, à Vincennes, avant son beau-père Charles VI, qui lui succède dans la tombe quelques mois plus tard. Il n’aura donc pas été roi de France, comme prévu. Que faire ? On décide de suivre la logique du traité de Troyes. Pour ce camp-là, le nouveau souverain sera donc le tout jeune fils qu’Henri V et Catherine de Valois viennent d’avoir, il est encore bébé mais on lui donne déjà son titre royal : Henri VI.
Au sud, l’autre prétendant, Charles, le dauphin rejeté, tergiverse, hésite. Est-il souverain, ne l’est-il pas ? Par dérision, ses ennemis l’appellent « le petit roi de Bourges » pour souligner sa faiblesse. Les Anglais accentuent la pression sur lui, ils font tomber une à une les villes qui tiennent la Loire. En 1429, Charles est à Chinon, c’est là, divine surprise, qu’on lui amène une étrange personne : Jeanne d’Arc, petite bergère lorraine de seize ans, inspirée et mystique, porteuse d’un message qui vient de haut. « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es le Vray héritier du Trône de France. » Est-elle folle ? Un collège de clercs l’examine et assure que non. En tout cas, elle est portée par une force étrange qui l’aide à faire tourner le vent de l’histoire. En mai, elle exalte si bien les troupes françaises qu’elle réussit à faire lever le siège d’Orléans par les Anglais. Puis elle pousse littéralement son « gentil dauphin » et ses troupes jusqu’à Reims pour qu’il y reçoive le sacre royal qui le légitimera. Le chemin n’est pas facile, les places sont aux Anglais ou aux Bourguignons. Elles tombent les unes après les autres, ou bien on les évite. On arrive au but : le 17 juillet 1429, à côté de Jeanne portant son étendard, Charles VII est oint du saint chrême de Clovis. Prochaine fin de l’épisode.
Déjà, la bergère est à deux doigts de sortir du champ : elle veut continuer le combat, mais il n’y a pas grand monde pour la soutenir. Elle est blessée devant Paris, faite prisonnière devant Compiègne par les Bourguignons, et bientôt brûlée à Rouen sous domination anglaise, son temps n’est plus, son mythe peut naître. Le roi ne l’a pas aidée. Ragaillardi, posé, il a retrouvé des forces, se sent sûr de sa couronne, il n’a plus besoin d’elle. Les Anglais, eux, n’ont plus la main. Leur roi, Henri VI, est un enfant. Bientôt meurt le dernier personnage puissant qu’il leur restait sur le continent : le duc de Bedford, frère de feu Henri V et régent de France. Le vent des alliances tourne aussi. Charles VII peut jouer sa carte stratégique majeure : la réconciliation avec les Bourguignons. Il fait amende honorable pour le meurtre de Jean sans Peur au pont de Montereau ; on s’entend sur un
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