Nostradamus
mère !
Nostradamus, comprends-moi. Je suis venue te parler de moi !
Mais d’abord, je veux connaître le sort, l’heure, l’avenir de mon
fils !…
–
Votre
fils ? interrogea
Nostradamus. Je croyais que le roi comptait déjà quatre enfants
mâles dans sa postérité.
– J’ai dit :
mon fils,
répéta Catherine avec une sorte d’extase farouche. Je brûle de
connaître son destin.
Nostradamus tendit à la reine un parchemin et
un crayon.
– Madame, dit-il, veuillez écrire en
termes brefs et clairs la question que vous voulez poser au
Destin.
Catherine, d’une main fébrile, traça ces
mots :
–
Jà, devine le sort ou heur et
avenir de mon aimé fils Henri.
Nostradamus prit le parchemin et l’examina
paisiblement.
– Madame et reine, dit-il, ceci est la
parole matérielle. Cette phrase qui, aux yeux d’un homme ordinaire,
révèle seulement l’inquiétude d’une
bonne mère,
possède un
second sens qui est le vrai. Sachez-le ; la question la plus
vulgaire trouve sa réponse magique…
Catherine écoutait. Les paroles du mage se
gravaient dans son esprit. Nostradamus continua :
– La question contient quarante-cinq
lettres. J’écris ces lettres autour d’un cercle. Je leur joins une
progression de nombres de 1 à 45. Chacune des lettres inscrites au
cercle magique est
liée à son nombre,
chaque nombre étant
lié à son arcane…
Nostradamus présenta à Catherine la figure
qu’il venait de tracer tout en parlant, puis la plaça devant lui.
En même temps, il poussa devant Catherine un autre parchemin et
dit :
– Écrivez, madame. Ces lettres, sur
lesquelles je laisse errer mon regard vont s’arranger d’elles-mêmes
pour présenter des mots dont l’ensemble constituera la réponse à
votre question. Et cette réponse devra contenir exactement les
mêmes quarante-cinq lettres de la question. Et tenez, oh ! je
vois déjà se former un mot… non ! tout un membre de phrase…
écrivez… «
mais le fer d’un moine…
»
La main tremblante, Catherine écrivit :
«
Mais le fer d’un moine… »
– Voici d’autres mots qui me
sautent
aux yeux…
écrivez, madame… «
sa vie heurte… lent…
vain… »
Et Catherine, les veines glacées, traça les
mots dictés :
–
Hérode !
dicta
Nostradamus haletant.
Hérode…
écrivit Catherine de
Médicis.
Nostradamus était penché sur la figure
magique.
– Un mot ! Un mot encore !
murmura-t-il. Oh ! un petit mot énorme ! Trois lettres
insignifiantes qui signifient puissance… voici le mot que je
lis ! Écrivez, madame… «
Roi… »
Un rugissement de joie furieuse monta aux
lèvres de Catherine et, d’une main violente, rudement elle
écrivit :
– ROI !…
Nostradamus relut rapidement les mots
dictés :
– « Mais le fer d’un moine – sa vie
heurte – lent – vain Hérode – roi. »
– Un seul mot, m’embarrasse, dit-il,
c’est Hérode. Pourquoi Hérode ? Ce mot à part, la destinée de
votre fils Henri éclate dans la phrase tracée par vous sous forme
de question. Voici la réponse de l’Occulte tout entière contenue
dans votre question !…
« Roi lent, vain Hérode. Mais
le fer d’un moine heurte sa vie
[13] »
– Henri régnera donc ! haleta
Catherine.
– Il régnera. Mais le fer d’un moine
heurte sa vie !
– Ah ! qu’importe ! Je
veillerai. Le fils de Catherine coulera de longs jours paisibles,
sans douleur, ni crainte du fer !
Nostradamus couvrait Catherine de son regard
de feu.
– Voici l’instrument de ma
vengeance ! pensa-t-il. Voyons pourtant jusqu’où descend
l’esprit de cette femme… Il reprit tout haut :
– Cette prédiction serait incomplète si
nous ne nous renseignions sur l’avenir des deux frères qui, avant
votre fils Henri, sont désignés pour régner. Je prends la dernière
phrase que vous venez de prononcer, madame : «
Le
fils de Catherine coulera de longs jours paisibles sans douleur ni
crainte du fer. »
Elle contient soixante-dix lettres que
j’inscris dans ce cercle, chacune avec son nombre de 1 à 70. J’en
cherche la métathèse. Et tenez, madame, voici la réponse qui
jaillit d’elle-même, dès nos premiers regards.
En même temps, Nostradamus traça et lut ces
mots : «
Si jeunes, François et Charles, double
souci. Rien dû. Ils périront dans la fleur de l’âge
[14] . »
Catherine compara les lettres des deux textes,
c’est-à-dire de la phrase qu’elle avait
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