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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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esprit indomptable d'opposition au gouvernement
     central.
    Le Poitou est la bataille du Midi et du Nord. C'est près de Poitiers
     que Clovis a défait les Goths, que Charles-Martel a repoussé les Sarrasins, que
     l'armée anglo-gasconne du prince Noir a pris le roi Jean. Mêlé de droit romain
     et de droit coutumier, donnant ses légistes au Nord, ses troubadours au Midi,
     le Poitou est lui-même comme sa Mélusine, assemblage de natures diverses,
     moitié femme et moitié serpent. C'est dans le pays du mélange, dans le pays des
     mulets et des vipères, — Poitiers en envoyait autrefois jusqu'à Venise, — que
     ce mythe étrange a dû naître. Dans les marches alors sauvages, entre le pays de
     Merlin et le pays de Mélusine, sur les landes à perte de vue qui témoignent des
     vieilles guerres et d'éternels ravages, le Diable aussi était chez lui. Quelque
     attrait qu'eussent pour lui les âpres fourrés de la Lorraine, les noires
     sapinières du Jura, ses préférences étaient peut-être pour nos marches de
     l'Ouest.
    Ce génie mixte et contradictoire a empêché le Poitou de rien
     achever ; il a tout commencé. Et d'abord la vieille ville romaine de
     Poitiers, aujourd'hui si solitaire, fut, avec Arles et Lyon, la première école
     chrétienne des Gaules. Saint Hilaire a partagé les combats d'Athanase pour la
     divinité de Jésus-Christ. Poitiers fut pour nous, sous quelques rapports, le
     berceau de la monarchie, aussi bien que du christianisme.
    Ces vastes arènes dont la voûte d'entrée est une gueule énorme plus
     grande qu'aucune du Colysée ; ces vieilles églises romanes, leurs cryptes
     ténébreuses, à la fois tombe et berceau, pourraient en dire long sur ce passé.
     C'est de la cathédrale de Poitiers que brilla pendant la nuit la colonne de feu
     qui guida Clovis contre les Goths. Le roi de France était abbé de Saint-Hilaire
     de Poitiers, comme de Saint-Martin de Tours. Toutefois cette dernière église,
     moins lettrée, mais mieux située, plus populaire, plus féconde en miracles,
     prévalut sur sa sœur aînée. La dernière lueur de la poésie latine avait brillé
     à Poitiers au VI e siècle, avec son évêque Fortunat ; l'aurore
     de la littérature moderne y parut au XII e siècle. Guillaume IX, duc
     d'Aquitaine, est le premier troubadour. C'est de lui qu'un vieil auteur
     dit : « Il fut bon troubadour, bon chevalier d'armes, et courut
     longtemps le monde pour tromper les dames. » Il conduisit aussi, dit-on,
     six cent mille hommes à la Terre Sainte 2 .
    Le Poitou semble avoir été alors un pays de libertins spirituels et
     de libres penseurs. Gilbert de la Porée, né à Poitiers, et évêque de cette
     ville, collègue d'Abailard à l'école de Chartres, enseigna avec la même
     hardiesse, fut comme lui attaqué par saint Bernard, se rétracta comme lui, mais
     ne se releva pas comme le logicien breton. La philosophie poitevine naît et
     meurt avec Gilbert.
     
    La puissance politique du Poitou n'eut guère meilleure destinée.
     Elle avait commencé au IX e siècle par la lutte que soutint contre
     Charles le Chauve, Aymon, père de Renaud, comte de Gascogne, et frère de
     Turpin, comte d'Angoulême. Cette famille voulait être issue des deux fameux
     héros de romans, saint Guillaume de Toulouse, et Gérard de Roussillon, comte de
     Bourgogne. Elle fut en effet grande et puissante, et se trouva quelque temps à
     la tête du Midi. Ils prenaient le titre de ducs d'Aquitaine, mais ils avaient
     trop forte partie dans les populations de Bretagne et d'Anjou, qui les
     serraient au Nord ; les Angevins leur enlevèrent partie de la Touraine,
     Saumur, Loudun, et les tournèrent en s'emparant de Saintes. Cependant les
     comtes de Poitou s'épuisaient pour faire prévaloir dans le Midi,
     particulièrement sur l'Auvergne, sur Toulouse, ce grand titre de ducs
     d'Aquitaine ; ils se ruinaient en lointaines expéditions d'Espagne et de
     Jérusalem ; hommes brillants et prodigues, chevaliers troubadours souvent
     brouillés avec l'Église, mœurs légères et violentes, tragédies domestiques. Ce
     n'était pas la première fois qu'une comtesse de Poitiers assassinait sa rivale,
     lorsque la jalouse Éléonore de Guyenne, transplantée en Angleterre par son
     mariage avec Henri Plantagenet, fit périr la belle Rosemonde dans le labyrinthe
     où son époux l'avait cachée.
    Les fils d'Éléonore, Henri, Richard Cœur-de-Lion et Jean, ne surent
     jamais s'ils

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