Notre France, sa géographie, son histoire
rappellera
que des souvenirs aimables.
Soit que pour descendre de Rochefort à Saintes, nous nous attardions
aux interminables circuits de la Charente, moins molle, moins vague, mieux
encaissée que la trompeuse Loire ; soit que nous cheminions de Cognac à
Angoulême entre les grosses vignes qui ne sont qu'ivresse et alcool, nous nous
retrouverons, comme sur la Loire, en plein pays de renaissance rabelaisienne.
Cognac est le berceau de François I er . Sa sœur, la Marguerite des
Cent Nouvelles, est née à Angoulême.
Avant d'aller plus loin, asseyons-nous un moment aux arènes de
Saintes, dans ce petit vallon frais, reposé, gracieusement circonscrit que je
vois encore ; une jolie source coule au fond à petit bruit. La ville qui,
peu à peu s'est échelonnée sur le penchant de la montagne, de ce point nous
domine, et la belle tour de Saint-Eutrope que fit élever Louis XI. Saintes,
aujourd'hui ville morte, fait penser à Pise. Le voyageur qui passe et la voit
assoupie dans la pâlissante lumière du soir, s'y attarderait volontiers.
Mais Angoulême nous appelle. Une heure avant d'y arriver, elle
apparaît dans la plaine merveilleusement assise sur son roc qui fait
promontoire, la nouvelle et la vieille ville, toutes deux couronnées de jeune
verdure.
Si nous avions le temps d'étudier les églises, nous aurions, en
partie, l'histoire des mœurs des habitants dans le passé. Le galant tombeau des
Saint-Gelais, qui remplit une chapelle de l'austère cathédrale, y suffira
peut-être. Evidemment, l'évêque qu'on voit au milieu de ses frères leur donnant
la main, était de la famille du bon abbé de Thélème. Ce mausolée tout en
efflorescence végétale et animale, où les objets ne sont rien moins que
religieux, semble le monument caractéristique d'Angoulême, ce pays de plaisir,
de bon temps, de rien faire. On y est plus spirituel qu'en Poitou, mais encore
plus inactif.
La ville, au XVI e siècle, a été remplie de Marguerite. On
ne voit pas sans émotion la maison qu'elle habita avec sa mère Louise de
Savoie, près des Cordeliers et de la cathédrale, dans le quartier le plus vieux
et le plus solitaire. Ce qui est devenu aujourd'hui un grenier, — les combles
crénelés, — était sans doute sa bibliothèque. On y lit encore
l'inscription : Libris et liberis ferendum et sperandum medid me emo
turbâ.
Le paysage qui entoure Angoulême était digne de servir de cadre au
berceau de la perle des Valois . De là, le monde parut, de tous côtés,
s'ouvrir pour elle ; on a peine à compter les routes qui montent au nord,
descendent au midi, rayonnent à l'est, à l'ouest, s'entre-croisent avec la
Charente et l'Anguiène. Mais le lieu vous retient. Au-dessus des prairies, des
vallées richement boisées, flotte, aux heures indécises, un brouillard léger
plein de caprices. Rien de plus doux, de plus gracieux, de plus humain.
V
LE LIMOUSIN
Nous traverserons rapidement le haut Limousin, ce pays froid, pluvieux
qui verse tant de fleuves 1 .
Ses belles collines granitiques, arrondies en demi-globes, ses vastes
forêts de châtaigniers. nourrissent une population. honnête, mais lourde,
timide et gauche par indécision. Pays souffrant, disputé si longtemps entre
l'Angleterre et la France. L'adieu de l'ennemi quand il sentit le pays lui
échapper fut l'extermination de Limoges. Le bas Limousin le pays guerrier des
Marches, qui ne voulut relever que du roi, c'est-à-dire de personne, est autre
chose ; le caractère remuant et spirituel des méridionaux y est déjà
frappant. Cette population comme ses fleuves, la Corrèze et la Vézère,
appartient plus à l'Auvergne qu'au Limousin. La Corrèze est la fille du Cantal.
C'est l'énergie auvergnate méridionalisée. Les paysans du Cantal laissent
« paître femmes et vaches », vont gaaigner , n'importe comment,
rapportent leur butin, achètent de la terre. Ils ont parfois poussé jusqu'en
Danemark. Entre Tulle, vieille ville épiscopale, et Brive-la-Gaillarde, bien
bâtie en dures pierres grises à angles aigus, comme l'âpre vivacité de ses
habitants, vous rencontrez de petites habitations groupées par deux, par trois
au milieu des prairies sous les châtaigniers. Charmant et pauvre pays dans
lequel on tourne par des rampes délicieuses entre des roches pendantes,
mousseuses, brunes, richement ombrées et délicatement festonnées de
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