Notre France, sa géographie, son histoire
des esclaves et des vêtements. »
Trahie, accablée, l'Auvergne, — par ses grandes familles de Clermont, —
ne garda pas moins son influence sur les vainqueurs. Le fils de Sidonius, qui
avait commandé les Arvernes à Vouglé, devint évêque de Clermont. Son petit-fils
fut assez puissant pour appeler au pouvoir Childebert préférant, sans doute, sa
domination à celle du barbare roi de Metz. Au IX e siècle, les
Arvernes semblent avoir partagé la grande influence que les Aquitains
exerçaient sur les Carlovingiens. Même costume, nous dit R. Glaber, mêmes
mœurs, mêmes idées.
L'Auvergne est la vallée de l'Allier, dominée à l'ouest par la masse
du Mont-Dore, qui s'élève entre le pic ou Puy-de-Dôme et la masse du Cantal.
Vaste incendie éteint, aujourd'hui paré presque partout d'une forte et rude
végétation. Le noyer, le châtaignier pivotent sur le basalte, et le blé germe
sur la pierre ponce 2 . Les feux
intérieurs ne sont pas tellement assoupis que certaine vallée ne fume encore,
et que les étouffis du Mont-Dore ne rappellent la Solfatare et la
Grotte-du-Chien. Villes noires, bâties de lave (Clermont, Saint-Flour, etc.).
Mais la campagne est belle, soit que vous parcouriez les vastes et solitaires
prairies du Cantal et du Mont-Dore, au bruit monotone des cascades ; soit
que, de l'île basaltique où repose la dominante Clermont assise parmi la cour
majestueuse des montagnes qui se tiennent autour 3 , vous promeniez vos
regards sur la fertile Limagne et sur le Puy-de-Dôme, ce joli dé à
coudre de sept cents toises, voilé, dévoilé tour à tour par les nuages qui
l'aiment et qui ne peuvent ni le fuir ni lui rester. C'est qu'en effet
l'Auvergne est battue d'un vent éternel et contradictoire, dont les vallées
opposées et alternées de ses montagnes animent, irritent les courants. Pays
froid sous un ciel déjà méridional, où l'on gèle sur les laves. Aussi, dans les
montagnes, la population reste l'hiver presque toujours blottie dans les
étables, entourée d'une chaude et lourde atmosphère. Chargée, comme les
Limousins, de je ne sais combien d'habits épais et pesants, on dirait une race
méridionale grelottant au vent du nord, et comme resserrée, durcie, sous ce
ciel étranger. Vin grossier, fromage amer comme l'herbe rude d'où il vient, qui
n'est jamais renouvelée. Ils vendaient, autrefois, leurs laves, leurs pierres
ponces, leurs pierreries communes aux Espagnols qui venaient leur acheter.
Communs aussi sont leurs fruits. Ils faut, aux lieux élevés, tourner la grappe
au soleil ou elle ne mûrirait pas. Ici, la culture est une industrie, une
manufacture. Ces fruits descendent l'Allier par bateaux. On en fait des
conserves, des pâtes qu'on envoie jusqu'en Amérique. Le châtaignier, qui vit de
la lave, plonge ses racines dans ses noires entrailles. Sur les volcans éteints
il se loge au cratère et jusqu'en leur bouche béante, la pare de sa verte
jeunesse. Son fruit est, avec le lait, pendant l'hiver, la principale
nourriture des habitants de la montagne.
Plus laborieux qu'industrieux, les paysans d'Auvergne labourent encore
souvent les terres fortes et profondes de leurs plaines avec la petite charrue
du Midi qui égratigne à peine le sol. Ils ont beau émigrer tous les ans des
montagnes, ils rapportent quelque argent, mais peu d'idées.
Et pourtant il y a toujours une force réelle dans les hommes de cette
race, une sève amère, acerbe peut-être, mais vivace comme l'herbe du Cantal.
L'âge n'y fait rien. Voyez quelle verdeur dans leurs vieillards, les Dulaure,
les de Pradt ; et ce Montlosier octogénaire, qui gouverne ses ouvriers et
tout ce qui l'entoure, qui plante et qui bâtit, et qui écrirait au besoin un
nouveau livre contre le parti-prêtre ou pour la féodalité, ami, et en
même temps ennemi du moyen âge.
L'Auvergne est mixte de droit et de langue. C'est une France, en
petit.
Le génie inconséquent et contradictoire que nous remarquions dans
d'autres provinces de notre zone moyenne, atteint ici son apogée. Là se
trouvent ces grands légistes 4 , ces logiciens du parti
gallican, qui ne surent jamais s'ils étaient pour ou contre le pape : le
chancelier de l'Hôpital ; les Arnaud ; le sévère Domat, papinien
janséniste, qui essaya d'enfermer le droit dans le christianisme ; et son
ami Pascal, le seul homme du XVII e siècle qui ait
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