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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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     bientôt, comprend presque tout le Périgord. Terre pauvre, où le fer vient à la
     surface, sous les bruyères et les châtaigniers. Horizons restreints, mais pays
     assez pittoresque.
    Sur la route, Brantôme, véritable Pompéï du moyen âge, l'abbaye du
     sire de Bourdeille, abbé de Brantôme, le cloître sombre, recueilli, chargé des
     plus élégantes, des plus riches végétations, paré des plus beaux festons de
     lierre. Dieu veuille que l'on conserve ses ruines ! 1 Plus loin, Périgueux, vieille
     et curieuse ville. Déjà, le pays s'est boisé légèrement ; de petites
     vignes, non soutenues, descendent des mamelons vers de petites prairies. C'est
     encore la pauvreté, mais non pas triste, plutôt souriante.
    Nous avons vu la Dordogne, partie des monts d'Auvergne, tourner les
     rudes mamelons du Quercy pour descendre au Midi à la rencontre de la Garonne.
     Ici, nous suivons le cours de l'Isle, jolie rivière qui vient du Limousin. De
     grosses fermes commencent à paraître, la route peu à peu se peuple de gens de
     campagne, figures fines et maigres, le teint bilieux. Le mouchoir grisette des
     Bordelaises remplace le respectable bonnet de nos mères. Vous le rencontrez dès
     Mareuil. Entre Monpont et Libourne d'où l'on découvre à droite, la plaine de
     Coutras, commence la richesse du pays, les vastes champs, les vignes fortes,
     festonnées d'abord en arcades. Elles montent sur les petites collines qui
     séparent le bassin de la Dordogne du bassin de la Garonne. A mesure qu'on
     avance, tout prend un air de richesse anglaise ou coloniale.
    Enfin, l'immense fleuve, et la ville, sous la forme d'un croissant,
     Bordeaux, peu à peu se découvre.
    Bordeaux longtemps capitale de la France anglaise, plus longtemps
     anglaise de cœur, est tournée, par l'intérêt de son commerce, vers
     l'Angleterre, vers l'Océan, vers l'Amérique. La Garonne, disons maintenant la
     Gironde, y est deux fois plus large que la Tamise à Londres. Lorsqu'elle passe
     entre les vignobles du Médoc et les moissons de Saintonge, dans une largeur de
     trois lieues, ce n'est plus un fleuve, c'est une aimable souveraine qui vient
     s'offrir à son gigantesque époux, le vieil Océan.
    L'Aquitaine érigée, par Charlemagne, en royaume au profit de son fils,
     passa aux Anglais vers le milieu du XII e siècle par le mariage
     d'Éléonore de Guienne avec Henri Plantagenet 2 . Cette
     province devait rester trois cents ans étrangère à la France. Les Anglais, pour
     la mieux garder, la ménageaient fort, l'enrichissaient, achetaient, buvaient
     ses vins. Bordeaux ne pouvait espérer trouver des maîtres qui en bussent
     davantage. En redevenant française elle ne pouvait que déchoir. Charles VII qui
     la reprit enfin, lui ôta ses privilèges, mais elle resta capitale, ne dépendit
     point des Parlements de Paris, de Toulouse. Son Parlement, qui ne tarda pas à
     être institué, étendit, au contraire, son ressort jusqu'au Limousin, jusqu'à La
     Rochelle.
    Les Anglais, en perdant la Guienne, perdirent leur paradis de France,
     toutes les bénédictions du Midi, l'olivier, le vin, le soleil.
     
    La légèreté spirituelle de la Guienne n'a pas été assez distinguée du
     fort et dur génie du Languedoc. Il y a pourtant entre ces deux pays la même
     différence qu'entre les Montagnards et les Girondins, entre Fabre et Barnave,
     entre le vin fumeux de Lunel et le vin de Bordeaux. La conviction est forte,
     intolérante en Languedoc, souvent atroce, et l'incrédulité aussi. La Guienne,
     au contraire, a de bonne heure affecté l'indifférence religieuse. Eudes,
     l'ancien duc d'Aquitaine et l'adversaire de Charles Martel, donna sa fille à un
     émir sarrasin. Ce peuple mobile, spirituel, trop habile dans les choses de ce
     monde, est médiocrement occupé de celles de l'autre.
    Le pays de Montaigne et de Montesquieu est celui des croyances
     flottantes ; Fénelon, l'homme le plus religieux qu'ils aient eu, est
     presque un hérétique. C'est bien pis en avançant vers la Gascogne, pays de
     pauvres diables, très nobles et très gueux, de drôles de corps, qui auraient
     tous dit, comme leur Henri IV : Paris vaut bien une messe  ; ou
     comme il écrivait à Gabrielle, au moment de l'abjuration : Je vais
     faire le saut périlleux . Ces hommes veulent à tout prix réussir, et
     réussissent. Les Armagnacs s'allièrent aux Valois ; les Albret, mêlés aux
     Bourbons, ont fini par donner des rois à la

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