Notre France, sa géographie, son histoire
ruiner tout
ce pays wallon, il prit par Mézières et par la Meuse (1465), afin de ramasser
sur sa route la chevalerie flottante des Ardennes, les nobles brigands des
marches. Il poussait contre la ville les hommes des châteaux et
des forêts ; et quand il eut détruit les villes, il donna la chasse
dans les bois à la population qui avait échappé aux noyades. Ces bois sans
feuilles, l'hiver, un froid terrible, lui livraient la proie. De cette guerre
féroce et de tant d'autres, le pays, en bien des endroits, garde encore la
trace.
Il ne faut donc pas s'étonner, si chez ce peuple, la dureté se mêle
parfois à l'emportement colérique. Mais sous ces allures brusques, vous
découvrez une richesse de cœur surprenante ; rien n'est donné aux
apparences ; tout y est en profondeur et à des degrés infinis. L'esprit
très droit de l'Ardennais est aussi inventif. Le physicien Savart et le
chimiste Clouet étaient de Mézières.
1 Dans les ouvrages de fonte, on sent toujours, à une
certaine rigidité, qu'il y a eu un intermédiaire inerte entre l'artiste et le
métal. Dans la batterie, la forme naît immédiatement sous la main humaine, sous
un marteau vivant comme elle qui doit rester fidèle à l'art, battre juste tout
en battant fort ; les fautes en ce genre de travail une fois imprimées du
fer au cuivre, ne sont guère réparables.
2 Nos rois s'intitulaient les fondateurs et
protecteurs de la célèbre abbaye. L'abbé envoyait tous les ans au roi six
chiens courants et six oiseaux de proie.
3 Ce trait caractéristique du pays ardennais a disparu
ou à peu près, surtout depuis que la fonderie des canons n'existe plus à
Deville, sur la Meuse. Le badigeonnage partout vainqueur, s'est emparé même des
plus vieilles maisons et pour les rajeunir il les a enlaidies, leur a fait
perdre leur originalité.
XXIII
LE LYONNAIS - SAINT-ÉTIENNE
Derrière cette rude et héroïque zone de Dauphiné, Franche-Comté,
Lorraine, Ardennes, s'en développe une autre tout autrement douce, et plus
féconde des fruits de la pensée. Je parle des provinces du Lyonnais, de la
Bourgogne et de la Champagne. Zone vineuse, de poésie inspirée, d'éloquence,
d'élégante et ingénieuse littérature. Ceux-ci n'avaient pas, comme les autres,
à recevoir et renvoyer sans cesse le choc de l'invasion étrangère. Ils ont pu,
mieux abrités, cultiver à loisir la fleur délicate de la civilisation.
D'abord, tout près du Dauphiné, la grande et aimable ville de Lyon,
avec son génie éminemment sociable, unissant les peuples comme les fleuves 1 . Colonie de Vienne, et dès sa naissance
ennemie de sa mère, Lyon si favorablement située au confluent de la Saône et du
Rhône, presque adossée aux Alpes, voisine de la Loire, voisine de la mer par
l'impétuosité de son fleuve qui y porte d'un trait, semblait, au temps de la
domination romaine, un œil de l'Italie ouvert sur les Gaules.
Cette pointe du Rhône et de la Saône semble avoir été toujours un lieu
sacré. Les Segusii de Lyon dépendaient du peuple druidique des Édues. Là,
soixante tribus de la Gaule dressèrent l'autel d'Auguste, et Caligula y établit
ces combats d'éloquence où le vaincu était jeté dans le Rhône, s'il n'aimait
mieux effacer son discours avec sa langue. A sa place, on jetait des victimes
dans le fleuve, selon le vieil usage celtique et germanique on observait la
manière dont elles tourbillonnaient pour en tirer des présages de l'avenir. On
montre, au pont de Saint-Nizier, l' arc merveilleux d'où l'on précipitait
les taureaux.
La fameuse table de bronze, où on lit encore le discours de Claude
pour l'admission des Gaulois dans le sénat, est la première de nos antiquités
nationales, le signe de notre initiation dans le monde civilisé. Une autre
initiation d'un autre caractère, a son monument dans les catacombes de
Saint-Irénée, dans la crypte de Saint-Pothin, dans Fourvières, la montagne des
pèlerins. Lyon fut le siège de l'administration romaine, puis de l'autorité
ecclésiastique pour les quatre Lyonnaises (Lyon, Tours, Sens et Rouen),
c'est-à-dire pour toute la Celtique. Dans les terribles bouleversements des
premiers siècles du moyen âge, cette grande ville ecclésiastique ouvrit son
sein à une foule de fugitifs, et se peupla de la dépopulation générale, à peu
près comme Constantinople concentra peu à peu en elle
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