Notre France, sa géographie, son histoire
déchut toujours ; toutes les grandes guerres des Gaules se
décidèrent autour d'elle et contre elle.
Elle fut presque ruinée par Aurélien, au temps de sa victoire sur
Tétricus qui y faisait frapper ses médailles. — Saccagée par les Allemands en
280, par les Bagaudes, serfs gaulois révoltés sous Dioclétien, par Attila, par
les Sarrasins, par les Normands. En 924, on ne put en éloigner les Hongrois
qu'à prix d'argent.
Ce fut encore à Autun, sous Brunehaut et Frédégonde, que se dénoua
d'une façon tragique la querelle entre les maires du palais, Ébroin et Léger,
évêque d'Autun. Cette querelle enveloppait aussi une guerre nationale, une
haine de villes. Autun avait contre elle Valence et Châlons. Ces deux villes,
par leurs évêques, faisaient la guerre à leur rivale.
Lorsque Léger se fut livré volontairement à ses ennemis qui le firent
dégrader, aveugler et tuer dans la cathédrale, Autun ne dut pas moins se
racheter.
Malgré tant de vicissitudes, aucune ville de France, je crois, ne
s'est mieux conservée que celle-ci. Une bonne moitié des maisons remontent à
François I er , plusieurs sont plus anciennes 3 .
La cathédrale, du roman le plus imposant et le plus austère, fut,
dit-on, bâtie par Robert, premier duc capétien de Bourgogne, en expiation des
violences que l'Église lui reprochait.
Il voulait aussi dédommager la vieille cité, au moment où il fixait la
résidence ducale à Dijon sur le haut plateau d'où descend la Seine.
Autun est une montagne dont la partie supérieure présente une triple terrasse. La cathédrale actuelle, les restes de l'antique
basilique où fut assassiné saint Léger, enfin l'archevêché, occupent les trois
gradins. Tout cela regarde d'un air austère la campagne et l'Arroux qui coule,
en bas, à grand bruit sous la roue de deux ou trois usines. Une oasis, une
verte prairie qui se hasarde, ne demanderait pas mieux que d'être gaie ;
mais les chênes commencent dès le pied des coteaux et couvrent tout d'une
triste uniformité.
Cette ville étayée ainsi en terrasses, semble un vaste autel gaulois.
On comprend à merveille qu'elle n'a pu jamais avoir qu'une importance
religieuse. Retirée au fond des bois, sur un torrent qui n'est pas navigable,
enveloppée de ses brouillards, elle semble, au contraire de toutes les villes
vouloir s'éloigner de sa rivière même, et des routes qui en suivent le bord.
Elle plane au-dessus de la sombre vallée lui prêtant la noblesse de ses
monuments.
La cathédrale où fut tué saint Léger, dont on voit encore quelques
débris, — occupe, selon toute apparence, la place des écoles romaines d'Autun,
si célèbres dans l'ancienne Gaule. Ces écoles elles-mêmes ne firent que
continuer les écoles des druides dont Autun était l'un des centres principaux.
Elle les perdit comme tout le reste, ces fameuses écoles. Ce qu'elle garda, ce
fut son génie austère. Jusqu'aux temps modernes elle a donné des hommes d'État
des légistes, le chancelier Rolin, les Montholon, les Jeannin, et tant
d'autres. Cet esprit sévère s'étend loin à l'ouest et au nord. De Vézelai,
Théodore de Bèze, l'orateur du calvinisme, le verbe de Calvin.
1 Autun avait dans ses armes, d'abord le serpent
druidique, puis le pore, ranimai qui se nourrit du gland
celtique.
2 Les mines du Creusot répondent aux mines de
Saint-Étienne.
3 François I er la visitant, la nomma « sa
Rome française ».
XXV
LA BOURGOGNE
La sèche et sombre contrée d'Autun et du Morvan n'a rien de l'aménité
bourguignonne. Celui qui veut connaître la vraie Bourgogne, l'aimable et
vineuse Bourgogne, doit remonter le doux et nonchalant petit fleuve la Saône
par Châlons, puis tourner par la Côte-d'Or au plateau de Dijon, et redescendre
vers Auxerre ; bon pays où les villes mettent des pampres dans leurs
armes, où tout le monde s'appelle frère ou cousin, pays de bons vivants et de
joyeux noëls. Un bas-relief de Dijon représente les triumvirs tenant chacun à
la main un gobelet. Ce trait est local.
Aucune province n'eut plus grandes abbayes, plus riches, plus fécondes
en colonies lointaines : Saint-Bénigne, à Dijon ; près de Mâcon,
Cluny ; à deux pas de Châlons, Cîteaux, sœur et rivale de Cluny, qui donna
tant de prédicateurs illustres. Telle était la splendeur de ces monastères que
Cluny reçut une fois le pape, le roi de France,
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