Notre France, sa géographie, son histoire
poche de quoi dîner le
lendemain. Beaucoup ne savent guère plus ce qu'ils y doivent faire, que l'eau
du Rhône ou de la Saône ne sait l'usage où elle doit passer.
Le génie de Lyon est plus moral, plus sentimental du moins, que celui
de la Provence ; cette ville appartient déjà au Nord. C'est un
centre du Midi, qui n'est point méridional, et dont le Midi ne veut pas.
D'autre part la France a longtemps renié Lyon, comme étrangère, ne voulant
point reconnaître la primatie ecclésiastique d'une ville impériale. Malgré sa
belle situation sur deux fleuves, entre tant de provinces, elle ne pouvait
s'étendre. Elle avait derrière les deux Bourgognes, c'est-à-dire la féodalité
française, et celle de l'Empire ; devant, les Cévennes, et ses envieuses,
Vienne et Grenoble.
Ne quittons pas le Lyonnais sans voir une autre cité industrielle, la
cité de la houille et du fer, Saint-Etienne. La route qui y mène, plus
qu'aucune autre que j'aie vue, met en contraste la nature sauvage et l'extrême
de l'art, de la civilisation. Chaque convoi est toute une ville emportée à
travers les déserts. L'âpre et rude montagne, souvent sans culture, où l'on
croirait que le berger seul conduit les chèvres, est percée d'une grotte,...
étrange grotte qui vomit, par moment, le feu, la fumée, des multitudes de
voitures, toute une foule qui passe et laisse le paysage d'autant plus morne et
solitaire.
Lorsqu'une fois on a laissé le Rhône à Givors, cela devient plus
sensible. En avançant vers Rive-de-Gier, la culture va s'affaiblissant de
méchants petits bois couvrent les montagnes.
La richesse sombre et platonique qui est en-dessous se montre à peine
à la surface du sol. Les usines noires et fumantes, le lourd et puant incendie
des combes de charbon qu'on épure, sont loin d'égayer le paysage. Sur les
sommets même, s'élèvent de hautes cheminées qui témoignent des combats de
l'industrie et de la concurrence dans ces profondeurs de la terre. D'autres
cheminées éteintes, entourées de bâtiments en ruines, révèlent, tacitement, de
fausses spéculations, de capitaux anéantis, de fortunes réduites en fumée.
A côté de la mine de charbon, la manufacture d'armes ; la qualité
des eaux semble être pour beaucoup dans la renommée de ses aciers.
C'est une grande douceur de redescendre dans la vallée du Rhône, de
suivre le long de la Saône, la belle chaîne de collines toute couverte de
verdure, de maisons de campagne, enfin, de revoir dans la poésie d'un beau
coucher de soleil, les nobles et doux horizons de la grande ville.
1 La Saône jusqu'au Rhône, et le Rhône jusqu'à la mer,
séparaient la France de l'Empire. Lyon, bâtie surtout sur la rive gauche de la
Saône, était une cité impériale ; mais les comtes de Lyon relevaient de la
France pour les faubourgs de Saint-Just et de
Saint-Irénée.
2 Ballanche est né à Lyon, ainsi que Ampère, de
Gerando, Camille Jordan, de Sénancourt, de Laprade. Leurs familles du moins
sont lyonnaises.
3 Le grand mysticisme de Strasbourg date de l'époque
où elle fut frappée d'interdit par l'Église pour avoir reconnu pour son
empereur Louis de Bavière. A ces interdits, point de messe, point de viatique.
Ceux-ci mirent à la place les mystifications sanglantes. Ce furent les Flagellants .
XXIV
MORVAN – AUTUNOIS
Entre les vignes de Vermanton et les vignes du Châlonnais s'étendent
les rochers du Morvan. En remontant de Lyon au Nord, vous avez à choisir entre
Châlons et Autun. Les Segusii lyonnais étaient une colonie de cette dernière
ville. Autun, la vieille cité druidique 1 , avait jeté Lyon au confluent du Rhône et de
la Saône, à la pointe de ce grand triangle celtique dont la base était l'Océan,
de la Seine à la Loire. Autun et Lyon, la mère et la fille, ont eu des
destinées toutes diverses. La fille, assise sur une grande route des peuples,
belle, aimable et facile, a toujours prospéré et grandi ; la mère, chaste
et sévère, est restée seule sur son torrentueux Arroux, dans l'épaisseur de ses
forêts de chênes, entre ses cristaux et ses laves 2 . C'est elle qui amena les Romains dans
les Gaules, et leur premier soin fut d'élever Lyon contre elle. En vain, Autun
quitta son nom sacré de Bibracte pour s'appeler Augustodunum, et enfin
Flavia ; en vain elle déposa sa divinité, et se fit de plus en plus
romaine. Elle
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