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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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et je ne sais combien de
     princes avec leurs suites, sans que les moines se dérangeassent. Cîteaux fut
     plus grande encore, ou du moins plus féconde. On forçait ses moines de monter
     en chaire et de prêcher la croisade. Les ordres militaires d'Espagne et de
     Portugal. Saint-Jacques, Alcantara, Calatrava et Avis relevaient de Cîteaux.
     Les moines de Bourgogne étendaient leur influence spirituelle sur l'Espagne,
     tandis que les princes de Bourgogne lui donnaient des rois.
    Cîteaux est la mère de Clairvaux, la mère de saint Bernard ; son
     abbé, l' abbé des abbés , était reconnu pour chef d'ordre, en 1491, par
     trois mille deux cent cinquante-deux monastères. Ce sont les moines de Cîteaux
     qui, au commencement du treizième siècle, fondèrent les ordres militaires
     d'Espagne, et prêchèrent la croisade des Albigeois, comme saint Bernard avait
     prêché à Vézelai, la seconde croisade de Jérusalem.
    La riche et vineuse Bourgogne est le pays des orateurs, celui de la
     pompeuse et solennelle éloquence. C'est de la partie élevée de la province, de
     celle qui verse la Seine, de Dijon et de
    Montbar, que sont parties les voix les plus retentissantes de la
     France, celles de saint Bernard, de Bossuet et de Buffon. Mais l'aimable
     sentimentalité de la Bourgogne est remarquable sur d'autres points, avec plus
     de grâce au Nord, plus d'éclat au Midi. Vers Semur, M me de Chantai
     et sa petite fille, M me de Sévigné ; à Mâcon, Lamartine, le
     poète de l'âme religieuse et solitaire ; à Charolles, Edgard Quinet, celui
     de l'histoire et de l'humanité. Né à Bourg, il a été élevé à Charolles 1 .
    La France n'a pas d'élément plus liant que la Bourgogne, plus capable
     de réconcilier le Nord et le Midi. Les Burgundes, qui s'établirent à l'ouest du
     Jura vers la même époque que les Goths dans l'Aquitaine, avaient peut-être
     encore plus de douceur. Avant leur entrée dans l'empire, ils étaient presque
     tous gens de métier, ouvriers en charpente ou en menuiserie. Ils gagnaient leur
     vie à ce travail dans les intervalles de paix, étaient ainsi étrangers à ce
     double orgueil du guerrier et du propriétaire oisif qui nourrissait l'insolence
     des autres conquérants. « Grands mangeurs, taille de géants, longs
     cheveux, incommodes et grossiers, mais point du tout méchants », tels nous
     les dépeint Sidonius.
    Chez les Burgundes prévalait l'autorité des chefs militaires qui les
     menaient au combat. L'esprit de la bande guerrière, du comitatus , aperçu
     par Tacite dans les premiers Germains est tout-puissant chez ce peuple. Ce
     principe d'attachement à un chef, ce dévouement personnel, cette religion de
     l'homme envers l'homme, devint le principe de l'organisation féodale qui fut si
     forte en Bourgogne.
    De charpentiers, les Burgundes se firent vignerons. La culture de la
     vigne, si ancienne dans le pays, a singulièrement influé sur le caractère de
     son histoire. Les vignobles s'étendant de proche en proche sur les coteaux, la
     population, dans les classes inférieures, a augmenté à son tour. Le travail de
     la vigne occupe la famille entière, hommes, femmes et enfants. Population,
     encore aujourd'hui, assez misérable, faisant le vin et buvant la piquette, le
     résidu de la vendange. Les paysans de Bourgogne se sont révoltés plus d'une
     fois depuis le temps des Bagaudes jusqu'au dix-septième siècle où, dans une
     insurrection, ils se firent un roi (le roi Machas contre Louis XIV).
    Les pays de vignobles, — paysages de médiocre grandeur, — n'ont leur
     véritable caractère qu'en mars, lorsque la vigne n'a pas encore de feuilles.
     Alors, on ne voit, à perte de vue, que des échalas d'un gris mort ; plus
     haut, les sommets des coteaux autrefois couverts de bois, maintenant dépouillés
     même de terre végétale, et montrant leurs os, de rudes roches grisâtres.
    Cependant, quelle que soit cette tristesse, il vaut mieux voir ce pays
     nu, que lorsqu'il est voilé, paré de feuilles. Sur les horizons découverts
     aucun détail n'échappe. Rien n'empêche d'observer le travail et le travailleur.
     On le voit partout courbé sur sa vigne rampante, ramenant la terre alentour,
     rapportant les échalas et les repiquant. Grand travail ! résultat toujours
     incertain... voilà l'histoire du paysan bourguignon depuis des siècles.
    La gelée, la grêle, sont aujourd'hui les seuls fléaux à craindre.
     Autrefois il y avait aussi

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