Notre France, sa géographie, son histoire
les razzias qu'ordonnaient les seigneurs pour leurs
guerres ruineuses. Ces comtes ou ducs, sortis de deux branches des Capets, ont
donné au douzième siècle des souverains aux royaumes d'Espagne ; plus
tard, à la Franche-Comté, à la Flandre, à tous les Pays-Bas. Au quatorzième
siècle, ils encouragèrent en Angleterre les prétentions des Lancastre afin de
créer un précédent, le triomphe des branches cadettes.
Ce fut la faute de nos rois après Crécy, Courtray, Poitiers, qui
avaient tué la féodalité du moyen âge, de refaire une féodalité artificielle et
de placer les grands fiefs dans les mains des princes leurs parents. Ces cadets
ne visèrent rien moins que le trône de France.
La première maison de Bourgogne s'éteignit au milieu du quatorzième
siècle ; le roi Jean le Bon déclara le duché réuni à la couronne. Mais son
fils Charles V l'en détacha pour le donner à son frère Philippe le Hardi. Dès
lors, la branche de Bourgogne grandira en ruinant la branche aînée ; elle
composera avec les Anglais quand elle ne les servira pas directement contre la
France ; elle accroîtra rapidement sa puissance par la masse énorme et
toujours grossissante de ses possessions 2 .
La lutte ouverte commence sous Charles VII entre le duc et le roi, et
ce n'est pas le duc qui est le moins roi des deux. Tuteurs des dauphins pendant
leur minorité, ou leur donnant l'hospitalité, ces ducs de Bourgogne, de Charles
V à Louis XI, ne perdront aucune occasion de s'unir à l'étranger, à l'ennemi,
espérant s'enrichir avec lui ou par lui, des dépouilles de la France.
Cette ingrate maison de Bourgogne qui tua sa mère autant qu'elle le
pût, à la fin ne représentait plus ni France ni Bourgogne. On le vit à
Montlhéry où, sous le nom de Bourguignons, le comte de Charolais
amenait une Babel, tout ce qu'il y avait d'oppositions de la Frise au Jura.
Mais la province restait française. Le sentiment de la patrie et sa
fierté, se retrouvent même dans les hommes les plus compromis du parti
bourguignon. Il suffirait de citer le mot du sire de l'Ile-Adam qui avait pris
Paris, croyant que son maître en profiterait. Celui-ci, comme on sait, le livra
à Henri V 3 .
Ces puissants ducs, dont le monstrueux empire s'étendait si loin au
Nord et à l'Est n'ont pu descendre la vallée de la Seine, ni s'établir dans les
plaines du centre, malgré le secours des Anglais. Le pauvre roi de
Bourges , d'Orléans et de Reims, l'a emporté sur le grand-duc de Bourgogne.
Les communes de France, qui avaient d'abord soutenu celui-ci, se rallièrent peu
à peu contre l'oppresseur des communes de Flandre. Ce n'est pas en Bourgogne
que devait s'achever le destin de la France. Cette province féodale ne pouvait
lui donner la forme monarchique et démocratique à laquelle elle tendait. Le
génie de la France devait descendre dans les plaines décolorées du centre,
abjurer l'orgueil et l'enflure, la forme oratoire elle-même, pour porter son
dernier fruit, le plus exquis, le plus français. La Bourgogne semble avoir
encore quelque chose de ses Burgundes ; la sève enivrante de Beaune et de
Mâcon trouble comme celle du Rhin. L'éloquence bourguignonne tient de la
rhétorique. L'exubérante beauté des femmes de Vermanton et d'Auxerre n'exprime
pas mal cette littérature et l'ampleur de ses formes. La chair et le sang
dominent ici ; l'enflure aussi, et la sentimentalité vulgaire. Citons
seulement Crébillon, Longepierre et Sedaine. Il nous faut quelque chose de plus
sobre et de plus sévère pour former le noyau de la France.
1 La Bourgogne a donné encore Rameau, Guiton-Morveau,
Vaugelas, Vauban, Lalanne, Prieur, Carnot, Gaspard Monge, Marmont, Junot,
Joubert, etc.
2 Voir page 22 quelle était l'étendue des possessions
de Charles le Téméraire.
3 Voici ce mot : Un jour, l'Ile-Adam se présenta
devant le roi d'Angleterre vêtu d'une grosse cotte grise. Le roi ne passa point
cela : « L'Ile-Adam, lui dit-il, est-ce là la robe d'un maréchal de
France ? » L'autre, au lieu de s'excuser, réplique qu'il l'a fait
tout exprès pour venir par les bateaux de la Seine. Et il regardait le roi
fixement. « Comment donc, dit l'Anglais avec hauteur, osez-vous bien
regarder un prince au visage quand vous lui parlez ! » « Sire,
dit le Bourguignon, c'est notre coutume à nous autres Français quand un homme
parle à un
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