Notre France, sa géographie, son histoire
la Bourgogne et la Champagne. Il réunit les deux
caractères.
7 Cela doit s'entendre, non seulement du vin, mais de
la vigne. Les terres qui donnent le vin de Champagne semblent capricieuses. Les
gens du pays assurent que dans une pièce de trois arpents parfaitement
semblables, il n'y a souvent que celui du milieu qui donne de bon
vin.
8 Lafontaine.
XXVII
LA NORMANDIE
Par les plaines plates de la Champagne s'en vont nonchalamment le
fleuve des Pays-Bas, le fleuve de la France, la Meuse, et la Seine avec la
Marne son acolyte. Ils vont, mais grossissant, pour arriver avec plus de
dignité à la mer. Et la terre elle-même surgit peu à peu en collines dans
l'Ile-de-France, dans la Normandie, dans la Picardie. La France devient plus
majestueuse. Elle ne veut pas arriver la tête basse, en face de
l'Angleterre ; elle se pare de forêts et de villes superbes, elle enfle
ses rivières, elle projette en de longues ondes de magnifiques plaines, et
présente à sa rivale cette autre Angleterre de Flandre et de Normandie 1 .
Il y a là une émulation immense. Les deux rivages se haïssent et se
ressemblent. Des deux côtés, dureté, avidité, esprit sérieux et laborieux. La
vieille Normandie regarde obliquement sa fille triomphante, qui lui sourit avec
insolence du haut de son bord. Elles existent pourtant encore les tables où se
lisent les noms des Normands qui conquirent l'Angleterre. La conquête
n'est-elle pas le point d'où celle-ci a pris l'essor ? Tout ce qu'elle a
d'art, à qui le doit-elle ? Existaient-ils avant la conquête, ces
monuments dont elle est si fière ? Les merveilleuses cathédrales anglaises
que sont-elles, sinon une imitation, une exagération de l'architecture
normande ? Les hommes eux-mêmes et la race, combien se sont-ils modifiés
par le mélange français ? L'esprit guerrier et chicaneur, étranger aux
Anglo-Saxons, qui a fait de l'Angleterre, après la conquête, une nation
d'hommes d'armes et de scribes, c'est là le pur esprit normand. Cette sève
acerbe est la même des deux côtés du détroit. Caen, la ville de
sapience , conserve le grand monument de la fiscalité anglo-normande,
l'échiquier de Guillaume le Conquérant. La Normandie n'a rien à envier, les
bonnes traditions s'y sont perpétuées. Le père de famille, au retour des
champs, aime à expliquer à ses petits, attentifs, quelques articles du Code
civil.
Le Lorrain et le Dauphinois ne peuvent rivaliser avec le Normand pour
l'esprit processif. L'esprit breton, plus dur, plus négatif, est moins avide et
moins absorbant. La Bretagne est la résistance, la Normandie la conquête ;
aujourd'hui conquête sur la nature, agriculture, industrialisme. Ce génie
ambitieux et conquérant se produit d'ordinaire par la ténacité, souvent par
l'audace et l'élan ; et l'élan va parfois au sublime : témoin tant
d'héroïques marins 2 , témoin le grand
Corneille. Deux fois la littérature française a repris l'essor par la
Normandie, quand la philosophie se réveillait par la Bretagne.
Le vieux poème de Rou paraît au douzième siècle avec Abailard ;
au dix-septième siècle, Corneille avec Descartes. Pourtant, je ne sais
pourquoi la grande et féconde idéalité est refusée au génie normand. Il se
dresse haut, mais tombe vite. Il tombe dans l'indigente correction de Malherbe,
dans la sécheresse de Mézerai, dans les ingénieuses recherches de la Bruyère et
de Fontenelle. Les héros même du grand Corneille, toutes les fois qu'ils ne
sont pas sublimes, deviennent volontiers d'insipides plaideurs, livrés aux
subtilités d'une dialectique vaine et stérile.
Chez le Northman du neuvième et du dixième siècle l'élément neustrien
dominait de beaucoup l'élément scandinave. Sans doute, à les voir sur la
tapisserie de Bayeux avec leurs armures en forme d'écailles, avec leurs casques
pointus et leurs mazaires, on serait tenté de croire que ces poissons de fer
sont les descendants légitimes et purs des vieux pirates du Nord. Cependant ils
parlaient français dès la troisième génération et n'avaient plus personne parmi
eux qui entendît le danois ; ils étaient obligés d'envoyer leurs enfants
l'apprendre chez les Saxons de Bayeux, petite colonie de la première invasion,
qui garda sa langue au moins cinq cents ans.
Les Northmans de la seconde invasion arrivèrent seuls, sans famille,
et
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