Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
d’officier et,
inclinant la tête, récita rapidement « les paroles qu’il avait retenues à
un service funéraire » – un extrait du psaume 39. Le choix était
étrangement approprié au secret absolu de la mission : « Je veillerai
sur mes voies, de peur de pécher par la langue ; je mettrai un frein à ma
bouche, tant que le méchant sera devant moi. Et je suis resté muet, dans le
silence ; je me suis tu, quoique privé de tout bien. » [5]
Ensuite, les trois hommes portèrent le corps et le firent
lentement glisser à la mer. Jewell se tourna vers Scott et leva le pouce dans
sa direction. « Non sans un certain soulagement », Scott fit marche
avant toute. « Les remous provoqués par l’hélice poussèrent le major
Martin. » Tandis que le sous-marin mettait le cap sur la haute mer, Scott
parvenait tout juste à distinguer la forme grise qui dérivait vers la côte.
Dans le rapport officiel de l’opération, Jewell fut félicité pour avoir
rapproché le sous-marin si près de la côte, malgré le risque d’échouage :
« Il a quasiment assuré le succès en approchant aussi près de la côte
qu’il l’a fait. »
À un demi-mille au Sud, le canot pneumatique partiellement
gonflé et la rame furent lancés par-dessus bord, pendant que les officiers
remettaient les couvertures, le ruban adhésif et l’emballage du canot à
l’intérieur du cylindre. Scott dirigea le sous-marin, toujours à la surface et
propulsé par le moteur électrique silencieux vers les eaux profondes. À vingt
miles au large, le Seraph fit un dernier arrêt et le tube métallique fut
lancé par-dessus bord à son tour. À cet endroit, le fond était à
200 brasses. Le cylindre ne serait jamais retrouvé, à condition de couler.
Charles Fraser-Smith avait trop bien imaginé la capsule du major Martin.
« L’enveloppe qui avait été imaginée pour empêcher la glace de fondre,
était enveloppée de poches d’air. » La double cloison faisait office de
caisson de flottaison.
Une mitrailleuse Vickers fut montée depuis la soute et le
cylindre fut « criblé de balles ». Le tube ne voulait toujours pas
couler et, pire encore, il dérivait vers la côte. Jewell tendit alors à Scott
un revolver réglementaire calibre .455 et lui ordonna de se tenir sur le plan
avant, pendant qu’il manœuvrait le sous-marin de façon à ce que le cylindre
soit juste au-dessous de lui. « Il le fit avec son adresse habituelle et
je tirai les six coups sur le haut de la capsule. » Le tube métallique
flottait toujours à la surface. Ce fut « un sale moment », remarqua
Jewell, et le temps commençait à manquer. « L’aube était proche et nous
pouvions voir des bateaux de pêche non loin de là. » Jewell opta pour une
solution radicale. Le tube métallique, qui ressemblait maintenant à une grande
passoire percée de 200 trous de balle, fut remonté sur le sous-marin et
bourré d’explosif, à l’intérieur comme à l’extérieur. La mèche fut allumée, le
cylindre fut descendu par-dessus bord et le sous-marin s’éloigna en toute hâte.
L’explosion fut exceptionnellement forte. Selon l’épitaphe laconique de
Jewell : « Alors il disparut, enfin. » Jewell fut soulagé, mais
il savait qu’il avait pris des risques. Il avait reçu l’ordre de couler le
cylindre en un seul morceau, pas de le réduire en miettes en le faisant
exploser. Des fragments de la capsule, ou même des bouts de couverture et de
ruban adhésif, risquaient maintenant de dériver vers la côte. On supposerait
peut-être, mais pas nécessairement, qu’il s’agissait de débris de l’avion qui
s’était écrasé. En outre, même si les pêcheurs espagnols de la baie n’avaient
pas repéré le sous-marin déclenchant l’explosion, ils auront certainement vu
l’éclat lumineux et entendu le vacarme retentissant dans le silence de l’aube.
Dans son rapport final, Jewell ne mentionna pas l’explosion du cylindre et
observa simplement qu’après avoir été percé de nombreux trous de balle,
« on le vit couler ». En effet, ce n’est pas avant 1991, quand il
était âgé de soixante-dix-sept ans, qu’il révéla qu’il avait fait exploser le
cylindre en mille morceaux.
« Nous plongeâmes et fîmes cap sur Gibraltar, écrivit
Scott. Le petit déjeuner était excellent, tout comme le profond sommeil dans
lequel je sombrai immédiatement après. »
À 7 heures 15, le lieutenant Bill Jewell du HMS Seraph envoya un
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