Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
boute-en-train.
Pour lui, la mort était non seulement passionnante, mais extrêmement amusante.
Aucune forme de mort violente ou mystérieuse ne le surprenait ou ne
l’attristait. « Un travail déprimant ? s’interrogeait-il. Absolument
pas. Loin de moi l’idée d’en perdre le moral. » À ses visiteurs dans ses
appartements privés, il offrait en plaisantant des chocolats qui avaient pris
l’humidité : « On les a trouvés dans le sac de Tata quand elle a été
repêchée dans la mare de Hampstead la nuit dernière. » D’origine paysanne,
Purchase était « rude, tant par son apparence que sa personnalité »,
avec « un humour espiègle » et un certain sens du ridicule : il
adorait les opéras de Gilbert et Sullivan, les trains miniatures, les œufs durs
et la porcherie modèle qu’il dirigeait près d’Ipswich. Il ne portait jamais de
chapeau et riait fort et souvent.
Montagu connaissait Purchase, car c’était « un vieil
ami de l’époque où il était avocat ». Il lui fit envoyer un message pour
lui demander s’ils pouvaient se rencontrer pour discuter d’une affaire
confidentielle. Purchase lui envoya les instructions pour se rendre à la
Coroner’s Court de St-Pancras en terminant sur un post-scriptum typiquement
jovial : « Pour venir ici, vous pouvez évidemment aussi vous faire
renverser. »
Pendant la Première Guerre mondiale, Purchase servit comme
médecin attaché à l’Artillerie et fut décoré de la Croix militaire pour
« galanterie manifeste et dévouement à la tâche ». Il combattit
jusqu’en 1918, lorsqu’un éclat d’obus lui arracha la majeure partie de la main
gauche. Quand la guerre éclata à nouveau, il approchait de la cinquantaine et
était donc trop vieux pour porter l’uniforme, mais il était néanmoins
« désireux de prendre part à la guerre ». En effet, il avait déjà
prouvé sa volonté d’aider les services de renseignement et, si nécessaire, de
« déformer la vérité au profit de la sécurité ». Lorsqu’un espion de
l’Abwehr, nommé William Rolph, se suicida en mettant sa tête dans un four à gaz
en 1940, Purchase eut l’obligeance de constater une « crise
cardiaque ». Dans le mois au cours duquel il reçut le message de Montagu,
Purchase avait été convoqué pour les délibérés dans l’affaire Paul Manoel, un
agent de la France Libre qui avait été retrouvé pendu dans un sous-sol
londonien après un interrogatoire où il était soupçonné d’être un agent ennemi.
L’enquête de Purchase fut « extrêmement expéditive ».
Le coroner commença par émettre des doutes quand
Montagu lui expliqua qu’il devait trouver un corps masculin pour une
« opération de guerre », mais « ne voulait pas révéler le rôle
du cadavre ».
« Vous savez qu’on ne se procure pas de cadavres comme
ça, lui dit Purchase. Je dirais même que les cadavres sont la seule marchandise
qui ne manque pas en ce moment. Malgré cette abondance, chaque corps est
comptabilisé. »
Pour seule précision, Montagu indiqua que le projet
nécessitait un corps en bon état de conservation, pouvant donner l’impression
de s’être noyé ou d’avoir perdu la vie dans un accident d’avion. Cette affaire,
ajoutait-il l’air grave, était « d’importance nationale ».
Purchase hésitait toujours, insistant sur le fait que si
l’on apprenait que le système légal de traitement des personnes décédées était
contourné, la « confiance publique envers les coroner s du pays
serait ébranlée ».
« Quel niveau d’approbation le projet a-t-il
reçu ? » demanda le coroner .
Montagu marqua une pause avant de répondre, non sans
mentir : « C’est remonté jusqu’au Premier ministre. »
C’était tout ce que voulait entendre Bentley Purchase, dont
le « sens très développé de la comédie » était maintenant en éveil.
En gloussant, il expliqua qu’en tant que coroner , il avait « toute
discrétion » pour la paperasse et que, dans certaines circonstances, un
décès pouvait être dissimulé et un corps récupéré, sans la moindre autorisation
officielle. « Un coroner , expliqua-t-il, pouvait d’ailleurs
toujours se débarrasser d’un cadavre par le biais d’un certificat indiquant que
l’inhumation se ferait à l’étranger – on supposerait alors qu’un proche
ramènerait le corps à la maison (c’est-à-dire en Irlande) pour l’enterrement,
et le coroner pourrait alors en disposer
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