Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
française était
critique pour la réussite. Les officiers de Vichy étaient profondément hostiles
aux Britanniques après la mise hors d’état de nuire de la flotte française à
Mers el-Kébir. Clark était confronté à une situation extrêmement délicate.
Jewell avait la tâche non moins épineuse de le déposer à terre sans être
repéré. Le 19 octobre, le Seraph et ses passagers américains
arrivèrent au lieu désigné, une villa isolée, au bord de l’eau, à quatre-vingts
kilomètres environ d’Alger. Peu après minuit, Jewell approcha le sous-marin à
500 mètres de la côte et les négociateurs américains débarquèrent à bord
de quatre canoës pliants, accompagnés par une escadre de protection composée de
trois nageurs de combat anglais du Special Boat Service, qui avait à sa tête
Roger « Jumbo » Courtney, un ancien chasseur de gros gibier au
« visage marqué et des manières abruptes et directes ».
Les négociations qui prirent toute la nuit se déroulèrent
bien, jusqu’au moment où les visiteurs durent se cacher dans une cave
poussiéreuse pendant une visite impromptue des gendarmes. Courtney fut pris
d’une quinte de toux qui faillit les faire prendre. Le général Clark proposa
des chewing-gums à l’homme qui s’étouffait.
« Votre chewing-gum américain n’a pas beaucoup de
goût », chuchota Courtney, lorsque la quinte fut passée.
« Oui, répondit Clark. Je m’en suis déjà servi. »
Lorsque le moment fut venu de récupérer le groupe, Jewell
rapprocha le Seraph périlleusement près de la côte, au point qu’il
s’échouait presque. Clark avait été trahi et très peu de temps avant l’arrivée
du raid français, le général et ceux qui l’accompagnaient se précipitèrent sur
leurs canoës, ramèrent de toutes leurs forces pour franchir les vagues et grimpèrent
en toute hâte à bord du Seraph . Jewell donna l’ordre d’appareiller au
plus vite, puis de plonger. Sir Andrew Cunningham, le destinataire de
l’une des lettres de l’opération Mincemeat qui était commandant en chef de la
Royal Navy en Méditerranée, décrivit l’aventure anglo-américaine comme étant de
« bon augure pour l’avenir ».
Le flegme de Jewell en faisait un candidat tout désigné pour
les missions secrètes. Sa prochaine affectation était encore plus
étrange : il devait passer prendre le général Henri Honoré Giraud dans le
Sud de la France. Ancien combattant de la Grande Guerre, charismatique et
suffisant, le général français de soixante-trois ans était considéré comme le
seul officier capable de faire basculer les forces françaises en Afrique du Nord
du côté des Alliés. Giraud était caché par la résistance après s’être évadé des
geôles allemandes. Le commandement allié avait décidé que Giraud serait la
figure de proue qu’il fallait pour galvaniser l’opposition de Vichy contre les
Allemands, à condition de pouvoir être récupéré en toute sécurité. La mission
portait le nom de code « opération Kingpin ». Le seul problème était
que le général grincheux, comme de Gaulle, avait la réputation de détester
cordialement les Anglais et avait insisté sur le fait que, s’il était secouru,
c’était aux Américains de le faire. Par conséquent, le Seraph allait
devoir revêtir une nouvelle nationalité pour l’occasion. Un capitaine
américain, Jerauld Wright, fut symboliquement nommé aux commandes.
Arborant le drapeau des Stars and Stripes, le Seraph attendait comme prévu au large du Lavandou, quand Jewell repéra les signaux
lumineux sur la côte et envoya chercher Giraud. Le général français réussit à
rater une marche au moment du transfert sur le sous-marin et, dégoulinant, il
fut hissé à bord. Pour ne pas éventer la supercherie, l’équipage du Seraph avait essayé de prendre un accent américain et avait passé le reste du voyage à
imiter Clark Gable et Jimmy Stewart. Il s’avéra que le général Giraud parlait
anglais et ne s’y laissa pas prendre. Mais il était bien trop fier pour
l’avouer.
Dans le sillage du débarquement en Afrique du Nord, le Seraph sillonna la Méditerranée, exécutant des opérations sous-marines plus
conventionnelles et attaquant les vaisseaux ennemis. En l’espace de quelques
semaines, il coula quatre navires de ravitaillement de l’armée de Rommel et mit
un destroyer italien hors d’état de nuire. À l’arrivée au port d’Alger, Jewell
le pirate hissa le
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