Par le sang versé
premiers coups sont d’une dramatique efficacité. Tous les légionnaires se sont, d’instinct, jetés à plat ventre. Une dizaine d’entre eux ne se relèvent pas. La défense et la riposte s’organisent avec le calme et la précision dont seuls des hommes surentraînés peuvent faire preuve en pareille circonstance. En moins d’une minute, les positions des rebelles sont situées et les légionnaires s’installent à l’abri des tirs de mortiers.
À l’aise et détendu comme s’il s’agissait d’un exercice, Noack rejoint Raphanaud :
« Ça ne paraît pas bien grave, mon capitaine. Une vingtaine de types à mon avis.
– Oui, mais ils ont trois F. M. bien placés. Ça va nous faire perdre du temps. »
Hastarran est livide : ce n’est pas la peur du combat mais derrière les positions, à quelques mètres, il vient d’apercevoir les blessés couchés au pied d’un arbre. Le capitaine-médecin Lambert accroche déjà des flacons de plasma à une branche. Puis l’adjudant Parsianni s’approche par bonds successifs de Raphanaud et de Noack. Terrorisé, le légionnaire imagine la conversation. « Mon capitaine, il n’y a plus de plasma. » Raphanaud, un genou à terre, protégé par un arbre, scrute les positions ennemies à la jumelle. Il ne modifie pas sa position pour répondre :
« Lambert en manque ?
– Non, mais il n’y en a plus.
– Et alors, qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Je vais pas en pisser, non ?
– Mon capitaine, ce que je voulais te dire, c’est que dans la glacière, il y a du Champagne. »
Cette fois, Raphanaud se retourne.
« Tu te fous de moi ?
– Non. Il y a un salopard qui a balancé la moitié des flacons pour foutre un magnum au frais. »
Instinctivement, Raphanaud dévisage Noack. Il regrette aussitôt son geste. Le lieutenant tonne :
« Ah, non ! Tout de même, mon capitaine, vous ne pensez pas ça de moi !
– Excusez-moi, Noack, c’était un réflexe. Non, évidemment. »
La violence et la rapidité du tir viet ne s’atténuent pas. Les légionnaires pour l’instant se trouvent à l’abri, mais sur des positions prises à la hâte, leur riposte est aussi inefficace que le feu ennemi. La seule différence, c’est que les viets, qui sont en surplomb, peuvent décrocher quand ils le veulent. En rampant, Bugat rejoint les deux officiers et l’adjudant.
« Mon capitaine, Hastarran et moi on pourrait grimper chacun d’un côté et essayer de balancer des grenades sur leurs positions de F. M. »
Raphanaud, qui juge l’action prématurée, refuse net :
« Quand j’aurai envie d’envoyer quelqu’un, je suis assez grand pour le décider. Fous-moi la paix. »
Parsianni a compris immédiatement. Noack aussi. Il déclare :
« Mon capitaine, ils pensent peut-être trouver du Champagne là-haut tous les deux. »
À son tour, Raphanaud comprend.
« Le Champagne, c’est vous ?
– C’est moi, mon capitaine, avoue Bugat. Hastarran était pas d’accord.
– Mais il était au courant.
– Un peu… »
Raphanaud s’accorde quelques secondes de réflexion avant de deprendre :
« D’accord ! Montez là-haut ! Balancez des grenades ! Il faudra, de toute façon, que quelqu’un y aille tôt ou tard. Même si vous vous en sortez, ça ne changera rien à votre action criminelle. Alors, je vous préviens, soit ça sera le Tribunal militaire, soit je demanderai au lieutenant Noack de régler la question comme il l’entendra.
– Compris, mon capitaine, répond Bugat. Si vous me laissez le choix, je pense que je préférerai le Tribunal militaire. Tout ce qu’on risquera, c’est d’être fusillé. »
Les positions des trois fusils mitrailleurs ennemis forment un triangle isocèle : l’abri du F. M. central viet surplombe très légèrement ceux de gauche et de droite.
Bugat et Hastarran échangent quelques mots, puis se séparent et rampent dans des directions diamétralement opposées. Ils parcourent ainsi une centaine de mètres, chacun restant en vue des positions de la Légion. À peu près au même moment, les deux légionnaires atteignent l’endroit d’où ils vont lancer leur assaut simultané. Ils ne peuvent pas se voir, mais l’un comme l’autre aperçoivent Noack et Raphanaud qui se tiennent auprès d’une des mitrailleuses qui doivent les couvrir.
Le capitaine Raphanaud lève le bras et s’assure qu’il est bien en vue de tout le monde. Il baisse son bras,
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