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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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shadow-partner va-t-on leur sacrifier ?
    Mattei sort de sa réflexion :
    « Mon colonel, savez-vous si les unités qui doivent occuper ces postes protecteurs ont été désignées ? »
    Souriant, et savourant à l’avance l’effet qu’il escompte, le colonel répond :
    « C’est la surprise que je vous réservais. La Légion étrangère va avoir cet honneur. »
    « Pour l’effet de surprise, tu repasseras », pense Mattei. C’était tellement évident qu’il se demande même pourquoi il a posé la question. Après un bref instant, le capitaine reprend : « Je vois… Deux sections par poste, sous la responsabilité d’un sergent-chef. Quelques partisans. Ils vont construire. Après, de temps en temps, ils effectueront quelques patrouilles pour ne pas s’asphyxier. La vie de château, en quelque sorte.
    –  Eh oui, approuve le colonel. Ce sera peut-être un peu monotone, mais le repos ne fera pas de mal à vos hommes, après les durs combats qu’ils viennent de mener dans le Sud. »
    Mattei se demande par quel miracle il parvient à se contenir. Il ne répond pas et continue à scruter la route.
    Dong-Khé, San-Khao, Nam-Nang, Khuoi-Nâm. À chaque virage, après chaque côte, au passage de chaque radier, la situation est propice à une embuscade. Mattei se demande combien d’hommes de sa compagnie lui seraient nécessaire pour anéantir le convoi d’une centaine de véhicules en tête duquel il se trouve. Tout bien pesé, une vingtaine de ses légionnaires suffirait. Il observe le half-track qui précède la jeep. Imagine le coup de bazooka bien placé qui l’immobiliserait, bloquant derrière lui toute la colonne (la voie est unique). Puis les rafales de F. M., les coups de mortier qui atterriraient sur la route au milieu des soldats désemparés, incapables de situer leur ennemi. Il voit les blessés, les mourants, cherchant dans la panique un abri apte à les protéger contre les coups furieux tirés par d’invisibles agresseurs. Le capitaine songe au poste de protection le plus voisin. Il ne serait peut-être qu’à quelques centaines de mètres ; au sommet de son mât flotterait le glorieux drapeau, mais derrière les remparts de béton, un brave sous-off serait torturé par un cas de conscience, scrutant, impuissant, à la jumelle, le combat inégal. Ses tergiversations ne dureraient que quelques minutes, puis il se verrait contraint de choisir entre deux solutions aussi terrifiantes l’une que l’autre. Soit sortir et faire massacrer sa section, soit demeurer spectateur, observer à l’abri l’hécatombe, et attendre que les viets décrochent pour aller ramasser les restes du convoi anéanti.
    Le capitaine Mattei n’est pas le seul jeune officier à avoir eu, dès 1947, une vision de l’avenir aussi précise. Une vision qui, hélas , allait se révéler rigoureusement conforme par la suite. Quatre-vingt-dix pour cent des gradés de la Légion, qui montèrent à l’époque au Nord-Tonkin et empruntèrent, avant les premiers carnages, la R. C. 4 de Lang-Son à Cao-Bang, eurent exactement le même réflexe, comprirent, dès leur premier contact, ce qu’en haut-lieu on se refusait même à envisager.
     
    Le convoi atteint Cao-Bang avant la tombée de la nuit. Tout de suite, les hommes constatent que la ville détruite ne va pas tarder à renaître de ses cendres. Des coloniaux, des tirailleurs, un thabor marocain, des partisans, des supplétifs, et de nombreux civils, s’emploient déjà à reconstruire. Mais surtout, le 3 e Étranger va y établir son P. C., et mettre à l’ouvrage tous les techniciens, tous les corps de métiers qu’il possède, bien décidé à créer sa capitale au sein de cette zone d’insécurité.
    Mattei prend congé du colonel V…, le remerciant de son hospitalité à bord de sa jeep, et de l’intéressant exposé qu’il a bien voulu lui faire.
    Dès que l’officier supérieur a tourné les talons, les subalternes du capitaine rejoignent leur chef (on pourrait être tenté de dire le gang, ou la bande Mattei). Ils sont tous là : les sergents-chefs Klauss, Osling, Lantz, Favrier ; Fernandez, l’ordonnance ; Ickewitz et Clary, les gardes du corps.
    Klauss, le premier, interroge le capitaine :
    « Vous avez des détails, mon capitaine ? On va établir un pont aérien et fortifier Cao-Bang ? En faire un poste hérisson ? »
    Mattei sourit, et répond :
    « Vous n’y êtes pas du tout. C’est la route que nous venons d’emprunter

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