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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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les autorités jusqu’à ce qu’elles se lassent de le voir et lui donnent satisfaction pour se débarrasser de lui.
    Alors, de colonel en lieutenant-colonel, de lieutenant-colonel en chef de bataillon, Mattei entreprend une ronde continue des bureaux, créant une telle confusion qu’il fait perdre la tête à bon nombre de responsables de l’Intendance. Prétendant avoir l’accord de l’un sous réserve de l’approbation de l’autre, déplorant l’absence (évidemment fausse) d’un supérieur pour obtenir la signature de son subordonné, Mattei ne se lasse jamais. La ténacité, l’aplomb, et l’hypocrisie dont il fit preuve pour arriver à ses fins sont considérés par les officiers de Légion qui suivirent en spectateurs ses efforts, comme un modèle du genre de diplomatie à employer face à la carence militaire.
    Lorsqu’enfin il fait charger sur les G. M. C. les caisses d’explosifs pourvues des autorisations lui permettant d’en disposer à la guise, Mattei déclare à Osling qui l’accompagne :
    « J’ai l’impression que je viens de mener le combat le plus dur depuis le début de cette guerre. »
     
    Six mois seront nécessaires à la 4 e compagnie pour réaliser le plan fou de son capitaine. Se relayant sans trêve, des équipes travaillent jour et nuit ; d’assourdissantes explosions déchirent la montagne vierge que les légionnaires violent mètre par mètre. Le feu déblaie le terrain. La dynamite brise les obstacles. Et à l’arrière, les hommes assemblent un puzzle géant avec les éclats qu’ils nivellent et polissent pour leur donner la forme cubique d’un pavé. La route ne contourne pas la montagne. Pour des raisons de sécurité, elle serpente sur un seul flanc. Celui qui reste en vue de Ban-Cao.
    Simultanément, un second groupe de légionnaires trace la piste d’atterrissage longue de douze cents mètres. Le travail, moins pénible, est plus minutieux. Les hommes qui en sont chargés ont été choisis en conséquence.
    Chaque semaine, Mattei se rend à Cao-Bang où l’arrivée des camions vides de la 4 e compagnie précédés par la jeep du capitaine est redoutée de tous. Le P. C. n’ignore pas que les véhicules-reprendront, quelques heures plus tard, le chemin de Ban-Cao bourrés des matériaux les plus divers. L’état-major du secteur de Cao-Bang est maintenant presque exclusivement com posé par des officiers de la Légion étrangère, et si le capitaine perd, de ce fait, le parti qu’il sait tirer de la pagaille et de l’incapacité des chefs dont il cherche à obtenir une faveur, il y gagne en revanche la compréhension et l’indulgence de ses supérieurs légionnaires, qui le connaissent, l’estiment et l’approuvent. La route fabuleuse n’en est qu’aux deux tiers de son harassante construction que Mattei est déjà parvenu à stocker tous les éléments nécessaires à l’édification de son nid d’aigle.
     
    Au début de février 1948, le projet utopique est définitivement achevé. Partout dans le Haut-Tonkin, les légionnaires ont bâti, reconstruit, fortifié. Une trentaine des fameux postes kilométriques jalonnent les R. C. 3 et 4. Cao-Bang est devenu une forteresse ; trois bataillons du 3 e Étranger en ont fait le verrou du dispositif Légion avec des moyens mille fois supérieurs à ceux de Mattei.
    Pour l’instant, l’ennemi ne s’est pratiquement pas manifesté ; seuls, des convois légers sont tombés dans de timides embuscades ; aucun poste n’a subi d’assaut réel, mais, à intervalles réguliers, ils sont « tâtés » la nuit par des tirs rebelles. Il est évident que les viets organisent leur regroupement pour les combats qu’ils préparent.
    À Ban-Cao, la 4 e compagnie est prête à faire face. Tous les appareils légers peuvent emprunter la piste d’atterrissage en cas de nécessité. Le nid d’aigle est imprenable. De ses postes de guet, un mouvement ennemi serait décelé à des kilomètres à la ronde. Les véhicules lourds peuvent atteindre le sommet du piton sans la moindre difficulté. Si Mattei le désirait, il pourrait attendre, du haut de son perchoir de béton, la fin de la guerre sans courir le moindre risque. C’est l’époque à laquelle le capitaine décide d’étendre son contrôle dans un rayon de vingt kilomètres autour de son poste. C’est l’époque où les viets ont décidé, de leur côté, que pas un mètre carré de la jungle ne doit leur échapper, et qu’il leur faut devenir

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