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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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moi, questionne Mattei, où est ton patelin ?
    –  C’est là, c’est là », affirme le Tonkinois, désignant un sentier muletier qui s’enfonce en pente vertigineuse dans la jungle.
    D’un geste du bras, Mattei a fait stopper derrière lui les quatre véhicules. Il fait signe à Klauss et Osling de le rejoindre :
    « Le Chinois prétend que c’est-ce toboggan qui conduit à Ban-Cao. Vous pensez qu’on peut y faire descendre les camions ?
    –  On peut toujours les faire descendre, réplique Klauss, mais pour les remonter, ça sera une autre musique.
    –  Il sera toujours temps d’y penser. On va aller voir à pied ce que ça donne plus bas. »
    Le Tonkinois interrompt le dialogue des légionnaires.
    « Mon capitaine, en coupant à pied à travers la forêt, dans cinq minutes, on peut tout voir. Le village, tout.
    –  Osling, vous restez avec les hommes. Klauss et Clary, vous m’accompagnez », ordonne Mattei.
    Plus agile et plus habitué au terrain, le Tonkinois les précède d’une dizaine de mètres. Au bout de quelques minutes de marche, il s’arrête, et fait signe aux légionnaires de le rejoindre.
    « Venez voir, mon capitaine, c’est là, on voit tout. »
    Effectivement, on voit tout. Les trois hommes contemplent, muets, l’excavation géante qu’ils surplombent. Au fond, ils distinguent un groupe de paillotes misérables et délabrées, serrées les unes contre les autres, et recouvertes de végétation.
    Le Tonkinois qui ne comprend rien à la stupeur des légionnaires, ne cesse de répéter, en désignant le fond de l’énorme cavité :
    « Ban-Cao, mon capitaine, c’est Ban-Cao, mon capitaine ! »
    Le premier, Klauss, prend la parole :
    « Nom de Dieu ! je ne pensais pas qu’ils nous en voulaient à ce point là ! Mais qu’est-ce qu’on leur a fait ?
    –  Ah, ça, il faut reconnaître qu’ils nous ont soignés ! Ce n’est même pas une cuvette, c’est un entonnoir », répond Mattei.
    Toujours aussi spirituel, Clary croit bon d’ajouter :
    « C’est pas difficile : les viets, il leur suffira de nous pisser dessus pour qu’on crève tous noyés. »
     
    De l’endroit où ils se trouvent, les trois légionnaires distinguent la piste qu’ils devront emprunter pour descendre. Agréable surprise : elle semble praticable pour les véhicules, dans un sens comme dans l’autre.
    « C’est bon, déclare Mattei, rejoignons les hommes et descendons admirer le point de vue que l’on découvre d’en bas. »
    Les camions dévalent la pente abrupte avec une facilité relative, et se disposent en demi-cercle autour de la bourgade. Une cinquantaine de civils accueillants se rassemblent autour des légionnaires. Un vieillard s’approche de Mattei.
    « Soyez le bienvenu, capitaine. Croyez que mes concitoyens et moi-même ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faciliter nos" relations, et rendre votre séjour parmi nous aussi doux que vous le souhaiteriez. »
    Le vieux paraît posséder une sérieuse culture française. En outre, il semble sincère dans ses déclarations. D’entrée, il plaît à Mattei qui répond par quelques banalités courtoises. Mais le capitaine se soucie assez peu des rapports mondains qu’il aura à entretenir avec les autochtones. Il est uniquement préoccupé par la disposition des lieux. Un léger optimisme lui vient. D’en haut, par une illusion d’optique la vision était fausse : finalement, ce n’est pas un entonnoir, ce n’est qu’une cuvette. À partir du hameau, on pourrait tracer un cercle de douze à quinze cents mètres de rayon, sur une surface relativement plane, avant d’atteindre les premiers contreforts montagneux. Cette superficie comprend les terrains de culture des habitants, le reste est couvert d’herbes hautes.
    Mattei lance à Klauss :
    « Installez les hommes pour le mieux, je vais me promener. Clary et Ickewitz, vous m’accompagnez. »
    Il est dix heures du matin quand les trois hommes quittent la compagnie. Ils ne la regagnent qu’à six heures passées. Pendant huit heures, Mattei a marché sans prendre une minute de répit. Il n’a pas prononcé un seul mot, il a étudié le terrain, imaginé des multitudes de possibilités, échafaudé puis rejeté des dizaines de plans, il a ignoré totalement la présence de ses gardes du corps vers lesquels il ne s’est pas retourné une seule fois.
    De retour au camp, le capitaine s’affale, épuisé, sur le pare-chocs d’un G. M. C.

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