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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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géant polonais blond aux muscles longs. Il a un visage sans défaut et il possède le charme qui émane souvent de ce genre de colosses slaves. Depuis son engagement à la Légion, huit ans auparavant, Volpi a acquis et confirmé une réputation d’homme à femmes, laissant derrière lui un nombre sans cesse croissant de conquêtes déçues.
    Le lieutenant-colonel Babonneau (dont il fut longtemps l’ordonnance) recevait régulièrement toutes sortes de plaintes rela tives au comportement du grand Polonais. Amours déçues, confiances trahies, promesses méconnues, maris bafoués, parents déshonorés. Devant ces doléances, le lieutenant-colonel compatissait, promettait des sanctions et les appliquait. Mais auparavant, il recevait d’homme à homme les confidences et les explications de Volpi, et il retirait un vif plaisir à l’audition des récits du légionnaire qui se justifiait gauchement, basant ses excuses sur une moralité toute personnelle.
    Ce jour-là, Volpi a l’œil droit tuméfié et le colonel pressent un récit croustillant.
    « Entre ! dit-il. Qu’est-ce que tu veux ?
    –  Mon colonel, j’ai encore fait une connerie.
    –  Ça, je m’en doute, il n’y a qu’à voir ta gueule.
    –  Faut pas rigoler, mon colonel, c’est grave !
    –  Je t’écoute.
    –  Voilà, mon colonel, j’étais en train de baiser…
    – … Tes histoires commencent toujours de la même façon.
    –  Faut pas rigoler, mon colonel, c’est grave.
    –  Bon, vas-y.
    –  C’était la congaï d’un type de la Coloniale et le v’là qui s’amène et qui gueule et qui me balance une pêche sans prévenir ; alors moi, je la lui rends et y gicle à trois mètres ; alors le v’là qui gueule qu’il est colonel et qu’il va me faire passer le falot ; alors je le regarde mieux et je m’aperçois qu’il dit vrai, qu’il est bien colonel ; alors je lui balance une pêche plus fort pour qu’il se taise. La salope se met à gueuler à son tour, alors je lui balance aussi une pêche et je me rhabille et je m’en vais pendant qu’ils dorment tous les deux. Et puis après, j’ai pensé que j’allais avoir des ennuis. »
    Babonneau, attentif, a écouté le récit du légionnaire ; pas un muscle de son visage n’a bougé et il est impossible de déceler ses sentiments.
    Pourtant le lieutenant-colonel est intérieurement ravi. L’image qu’a fait naître en lui l’exposé de Volpi l’amuse considérablement. D’autre part, il y a de sérieuses chances pour que le colonel rossé étouffe l’affaire, préférant passer l’éponge plutôt que de s’exposer aux sarcasmes sournois qu’accompagnerait immanquablement une enquête officielle. Néanmoins, Babonneau juge préférable de prendre certaines précautions.
    Sans adresser un mot à Volpi, il convoque le sergent de garde qui se présente instantanément :
    « Fous-moi Volpi en taule ! ordonne-t-il. Et marque-le rentrant à la date d’hier. – Motif ? » interroge le sergent. Babonneau hausse les épaules. « Comme d’habitude : pédérastie. Trouve n’importe quoi. »
    Le sergent se fend d’un large sourire. « À vos ordres, mon colonel. » Puis, se tournant vers Volpi : « Allez ! Amène-toi, Suzanne ! » Volpi serre les poings. Ce n’est pas la première fois que le colonel use de ce subterfuge pour le dédouaner ; non seulement il laisse les plaignants sans arguments, mais il remplit de joie la compagnie tout entière, aux dépens du don Juan.
     
    Vers dix heures du soir, Babonneau s’aperçoit que son calcul était faux : un coup de téléphone de la Sécurité militaire l’informe qu’une plainte a été déposée contre un de ses légionnaires pour agression sur la personne d’un officier supérieur. Il est hors de question d’étouffer l’affaire, le plaignant faisant preuve d’une implacable fureur. Quelques instants plus tard, le colonel X appelle à son tour Babonneau. Il se montre courtois mais intraitable. Il déclare être certain de reconnaître son agresseur, d’autant plus facilement qu’il est persuadé de l’avoir marqué d’un coup violent à l’œil droit. Il informe Babonneau qu’il se présentera le lendemain, accompagné des représentants de la police militaire, afin de reconnaître le coupable, dans le Cas où Babonneau ne l’aurait pas d’ici là identifié.
    Après avoir assuré l’officier de la Coloniale de sa collaboration, Babonneau raccroche, inquiet. Il n’est pas

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