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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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laisser ressusciter tranquille.
    –  C’est que justement, mon capitaine, vous êtes mort… Enfin, je veux dire, vous étiez mort.
    –  Et alors ? »
    Fernandez cherche par tous les moyens à s’éloigner du fait.
    « On a reçu l’avis officiel depuis Cao-Bang, on a même foutu le drapeau en pleurniche.
    –  En berne, rectifie Mattei. Respecte au moins ça, pâle voyou.
    –  Vous comprenez, mon capitaine, vous étiez mort, et bien mort. Alors je me suis dit qu’on n’avait jamais vu un mort avoir besoin de tout ce que peut contenir sa cantine… »
    Brusquement Mattei comprend. Il se lève et se retourne pour constater la disparition de sa cantine. Il ouvre son armoire, elle est vide. Même ses affaires de toilette ont disparu.
    « Cherchez pas, mon capitaine ! avoue Fernandez. J’ai tout vendu. (Il ajoute, penaud :) La punition, je m’en fous, mon capitaine, même si vous me mettez une balle dans la tête, ce qu’il ne faut pas c’est que vous pensiez que je ne suis pas aussi heureux que les autres de vous savoir en vie. »
    De cela, Mattei en est-certain. Il juge qu’il serait cruel et inutile de laisser planer à ce sujet le moindre scepticisme.
    « Je n’en doute pas, Fernandez. Ça n’empêche pas que tu es le plus sinistre fumier de détrousseurs de cadavres que tous les bandits de la terre aient jamais connus. Et que si tu veux l’éviter, ta balle dans la tête, tu ferais pas mal d’aller récupérer mes affaires au pas de course. D’abord, à qui les as-tu vendues ?
    –  C’est que ça va pas être simple, je les ai larguées aux Chinois, aux enchères sur la place du village.
    –  Tu es légionnaire, Fernandez ! Démerde-toi ! Je risque de m’énerver.
    –  À vos ordres, mon capitaine. »
    Le capitaine Mattei récupérera la presque totalité de sa cantine. L’incident sera vite oublié, car il se situait dans la soirée du 24 juillet 1948, et cette nuit-là était le prologue de la sanglante tragédie tonkinoise.

 
33.
     
     
     
    L E 25 juillet 1948 dans le Haut-Tonkin, la guérilla débouche sur la guerre. Les viets ont beaucoup appris dans leur combat singulier avec les meilleurs soldats du monde. Regroupés et instruits dans la jungle, formés par les embuscades sur les routes et par les harcèlements de postes, les rebelles franchissent un nouveau palier de l’escalade qui les mènera à Dien-Bien-Phu : ils lancent un assaut général contre tous les bastions de la Légion sur la R. C. 3.
    À Ban-Cao, le capitaine Mattei – à peine remis de son équipée – repousse sans effort une force viet qu’il évalue à trois cents ou quatre cents hommes. Visiblement, les combattants lancés contre le nid d’aigle ne croyaient pas à leur propre succès. Le drame, en effet, se jouait ailleurs.
     
    À Phu-Tong-Hoa.
    Pour comprendre la tragédie de Phu-Tong-Hoa, il est nécessaire de retourner deux mois en arrière.
    Phu-Tong-Hoa, dernier poste de la Légion sur la R. C. 3, avant Bac-Kan, est situé dans une cuvette au confluent de deux arroyos aux eaux claires, vives et fraîches. Tel un bastion moyenâgeux, il domine, sur un mamelon, une petite plaine où les cultures traditionnelles bordées de diguettes tracent un dessin de vitrail.
    Le poste est un rectangle aux murs de béton. Quatre blockhaus d’angle le renforcent. Il est en outre protégé par fies palissades de bambous et des champs de mines. Depuis le mois de janvier, il est occupé par la 2 e compagnie du 3 e Étranger qui comprend, au complet, cent quatre légionnaires. Le capitaine Cardinal est à la tête de cette unité d’élite, il est secondé par le lieutenant Charlotton. Le responsable du magasin, des vivres et des munitions est le sergent Guillemaud.
    Dans les premiers jours de juin, l’importance de l’effectif ennemi qui entoure Phu-Tong-Hoa est rendue évidente par une incroyable découverte. Cherchant à bloquer la R. C. 3, les viets, en une seule nuit et sur la faible distance de cinq kilomètres, sont parvenus à creuser plus de sept cents tranchées ou trous en damiers. Le calcul est élémentaire. Un minimum de trois mille hommes a été employé pendant la nuit à ce travail de termites.
    Que les viets soient autour d’eux, puissants de trois bataillons, ne constitue pas une découverte brutale pour les officiers de Phu-Tong-Hoa, ils s’en doutaient depuis longtemps. Seulement les rebelles viennent de démontrer qu’ils ne craignaient pas de le leur faire savoir, et

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