Par le sang versé
répétées chaque jour, les légionnaires ne subirent aucune attaque directe. L’explication la plus probable est que l’ennemi cherchait à entamer le moral de cette troupe dont l’attitude le déroutait. Les viets ne voulaient pas donner aux légionnaires l’occasion de combattre même désespérément.)
Au bout d’une demi-heure, Klauss hurle :
« Arrête, on te rejoint ! »
Benoit lâche la masse et s’assoit sur le rail. Il est baigné de sueur. Il s’éponge le visage à l’aide de ses manches retroussées. Lorsque le sergent arrive à sa hauteur, il dit simplement :
« Quelle vacherie ! »
Klauss prend la masse. Il est obligé d’en essuyer le manche rendu glissant par la transpiration de Benoit. Puis à son tour il entreprend la sale besogne. Il parcourt un kilomètre de cette marche à tête. Tandis que c’est le tour de Kalish, les coups portés par la patrouille du P. K. 30 deviennent de plus en plus perceptibles ; puis son légionnaire de tête apparaît dans une courbe, les hommes forcent la cadence et bientôt la jonction s’établit. Les légionnaires cassent la croûte et se détendent un peu. C’est un caporal-chef qui a conduit les quatre hommes du P. K. 30 (ce poste est un peu plus important, douze légionnaires l’occupent). Au bout d’une demi-heure, chaque groupe reprend la direction de son poste. Le 4 février 1947, le train peut passer entre Laïké et Pham-Xa, la voie n’est pas piégée.
Au cours de cette première journée aucun incident ne fut à déplorer. La voie n’était pas minée entre Haïphong et Hanoï, mais il avait fallu qu’une centaine d’hommes passent par un supplice angoissant pour s’en assurer.
Trois jours plus tard un légionnaire espagnol, Antonio Ortez, inaugurera la liste des sacrifiés de la mission de la peur. Au kilomètre 50, à partir d’Hanoï, à proximité du village de Cao-Xa, il sera déchiqueté en provoquant l’explosion d’une mine sous les yeux de ses compagnons qui ne furent miraculeusement pas atteints. Naïvement les hommes avaient commencé à prendre espoir. Hélas ! Jusqu’au 2 avril, date à laquelle le haut commandement mit fin à ces « ouvertures de voies », 42 légionnaires trouveront la mort et six seront estropiés à vie.
Profitant de la régularité des sorties et du parcours des légionnaires, les viets avaient fait de ce secteur un véritable champ d’expérimentation, pour éprouver l’efficacité de leurs engins explosifs et de leurs pièges.
Ruhmkorft, du groupe Klauss, perdit la jambe gauche dans des conditions atroces : le piège dont il fut la victime et qui faisait son apparition devait continuer à faire des ravages des années durant.
Il était composé d’une balle de fusil et d’un petit clou destiné à faire percussion. L’enfin était soigneusement enterré à ras du sol. La pression du pied marchant sur la pointe de la balle suffisait à déclencher l’explosion. Ruhmkorft reçut la balle qui pénétra par la plante du pied, traversa la jambe dans le sens de la hauteur et ressortit par le genou qu’elle fit éclater. Il ne dut la vie qu’à la présence d’esprit de Klauss qui décida de l’amputer sur-le-champ avec des moyens de fortune.
Les légionnaires eux aussi firent preuve d’ingéniosité pour tenter de déjouer les ruses de l’ennemi. Ils décidèrent notamment de répandre de la chaux le long de la voie, afin que le moindre pas laisse une empreinte. Ce système se montra efficace plusieurs jours, mais de nombreux soldats eurent les yeux brûlés par la réverbération et durent être hospitalisés. La chaux fut alors teinte en bleu et en rouge. Trois semaines passèrent, mais les viets s’étant miraculeusement procuré le même produit parvinrent à couvrir leurs traces après les sabotages.
Enfin le contrordre arriva. Il était aussi inattendu que l’ordre. Les légionnaires retournèrent à leurs compagnies d’origine, laissant à d’importants effectifs de la Coloniale arrivés du sud le soin d’assurer la sécurité de la voie.
La reconquête du Tonkin battait alors son plein.
DEUXIEME PARTIE
6.
L E 2 janvier 1947 à dix-huit heures trente, la 4° compagnie du 3 e Étranger est mise en état d’alerte à Haïphong. Elle doit se tenir prête à participer à une opération lointaine, périlleuse.
Le 3 janvier à huit heures trente, les commandants d’unités sont réunis au P. C. du
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