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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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le gosse par sa chemise, le soulevant presque de terre.
    Cette fois, Klauss éclate de rire.
    « Mais non, Favrier, la soif te fait perdre les pédales. Tu n’as rien compris. La seule chose que j’ignore c’est si le morpion bluffe ou pas. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il prépare un beau chantage.
    –  C’est quoi le chantage, chef ? interroge Ki.
    –  C’est quand on a une chose et qu’on en veut une autre et qu’on dit : « Si vous me donnez ce que « je veux, vous aurez ce que je détiens. »
    –  C’est ça, c’est ça, admet Ki joyeux. Mais c’est pas du chantage, c’est du commerce.
    –  Je connais peut-être un autre moyen de le faire parler », interrompt Favrier.
    Klauss hausse les épaules.
    « Tu serais bien emmerdé si je te mettais au défi d’essayer. »
    Puis, s’adressant à Ki :
    « Allez, annonce la couleur. Qu’est-ce que tu proposes ?
    –  Vous le savez, chef. Je veux un uniforme, un sac, tout. Même un fusil.
    –  J’aime mieux te dire tout de suite : le fusil, rien à faire. L’uniforme, on peut essayer. »
    Plein d’espoir, Favrier ajoute :
    « Je peux aller chercher une petite taille à la baraque d’intendance. On peut dire qu’Alfieri s’est pris dans les barbelés. »
    Alfieri est un minuscule Italien sensiblement de la même taille que le gamin. Il se rapproche, attentif.
    « J’ai de la sape en rab. Je peux m’arranger directement avec le gosse.
    –  Ta gueule ! coupe Favrier. C’est moi qui traite. Personne d’autre. »
    Klauss n’a pas perdu de sa bonne humeur :
    « Vous déconnez, bande d’ivrognes ! Vous êtes prêts à tout. »
    Il ajoute, se tournant vers Ki :
    « Tu n’as pas envie de te taper un sergent de Légion ? C’est le moment ou jamais. »
    Favrier ne goûte pas la plaisanterie. Klauss poursuit :
    « Je vais faire un bon pour l’Intendance. Il est normal qu’on sape le gosse : il nous rend des services. Et puis on peut le considérer comme étant en instance d’incorporation.
    –  Alors tu nous dis où sont planquées les bouteilles, propose Favrier.
    –  Rien à faire, réplique Ki. Je vous amène dix bouteilles en échange de mon uniforme. Après on verra. »
    Favrier est tellement subjugué par l’idée de voir apparaître dix bouteilles de bordeaux, qu’il ne se rend pas compte qu’en acceptant le marché, il se livre, pieds et poings liés, aux exigences futures du gamin. Klauss, lui, en est parfaitement conscient, mais le jeu l’intéresse et il est même prêt à l’encourager. En fait, dans les jours qui suivent, il tirera lui-même toutes les ficelles, s’arrangeant pour que le gosse n’apporte pas de trop grandes quantités de vin, et, parallèlement, pour qu’il n’abuse pas de la situation, les légionnaires étant prêts à s’arracher leurs dents en or en échange d’une bouteille.
    Plusieurs d’entre eux tentèrent en vain de suivre Ki pour découvrir la cachette, mais le gamin les semait toujours facilement. Il livra son secret environ un mois plus tard, la veille du départ d’Haïphong.
    Les bouteilles se trouvaient dans la cave même de la villa, protégées par un double mur. Ki se faufilait entre le mur réel et le mur de protection par un trou juste assez gros pour lui permettre de s’y glisser. Le mur factice fut abattu instantanément et les légionnaires découvrirent du Champagne, du whisky et du cognac de marque. Klauss fit distribuer trois bouteilles par homme et fit sauter le reste à la grenade.
    Il savait que le lendemain une longue marche les attendait.

 
     
5.
     
     
     
    D EPUIS la reprise en main de la ville d’Haïphong par la garnison française, la guerre contre le Viet-minh était effective au Tonkin. Le 19 décembre 1946, elle devenait officielle. Dans la nuit, et selon un plan établi, le Viet-minh attaqua toutes les villes et tous les postes français. Hanoï souffrit le plus de cette sauvage agression dans laquelle les femmes et les enfants ne furent pas épargnés. Ho Chi Minh comptait sur l’effet de surprise pour obtenir une victoire rapide et totale. Il échoua. Les massacres du 19 décembre ne parvinrent pas à chasser les Français du Tonkin ; partout des postes étaient parvenus à résister, et très vite la défense s’organisa.
    Aussitôt après l’attaque viet, quelques hommes furent prélevés dans chaque compagnie de Légion. On attribua à cinq ou six légionnaires la responsabilité d’une vingtaine de

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