Par le sang versé
imaginée. »
14.
T ARD dans l’après-midi une découverte de Klauss devait remplir les hommes d’espoir. La piste qu’ils suivaient en rejoignait une autre et les traces du car qui venaient d’apparaître rendaient évident le plan de fuite ennemi.
Les hommes d’Ho Chi Minh s’étaient séparés après leur évacuation de Ninh-Binh. Un groupe (celui que les légionnaires avaient suivi jusqu’à présent) coupait à travers rizières et forêts ; un second, comprenant le car, avait emprunté un chemin mystérieux mais praticable pour un engin motorisé. Les deux groupes avaient établi leur jonction à l’endroit où se trouvait actuellement le commando et paraissaient avoir poursuivi ensemble leur marche vers le sud.
« Tant qu’ils auront le car nous pourrons les suivre sans difficulté, constate Mattei. Ça va nous simplifier considérablement la tâche.
– À moins qu’ils ne se servent du car pour nous diriger vers une fausse direction, objecte Klauss.
– Une fausse direction, hors de question. En dehors du sud, ils tomberaient partout sur nos troupes. Mais évidemment ils peuvent nous aiguiller sur un chemin parallèle. C’est un risque à courir. On continue. »
Pendant trois jours, le commando suit inlassablement les traces laissées par les fugitifs. Les légionnaires ne s’arrêtent que quelques heures chaque nuit. Le terrain a changé. Il est sec, fait d’herbes hautes et de pierrailles. Aucun point d’eau n’est rencontré. C’est un fait tellement extraordinaire dans ces régions que le lieutenant et les hommes ne commencent à s’inquiéter que lorsque les bidons de chacun sont pratiquement vides.
Le 27 juin, dans la soirée, la patrouille gravit un vallonnement et fait halte au sommet. Le lieutenant scrute l’horizon à la jumelle, ne parvenant à découvrir que des nouveaux mamelons, un paysage identique en tous points à celui qu’ils traversent depuis trois jours. Partout les herbes sèches et la terre. Aucune chance de pluie en cette saison. La situation risque de devenir critique.
Antoine Clary se porte à hauteur de Mattei.
« Mon lieutenant, il faudrait pas que ma fille manque de flotte. Vous pourriez pas dire aux hommes de me donner une partie de ce qui leur reste ?
– Tout ce que je peux faire pour toi, c’est de ne pas leur interdire de t’en donner. Ça les regarde. Démerde-toi avec eux. »
Clary se retourne un peu déçu et passe parmi ses compagnons pour faire la quête. Aucun d’eux ne cherche à se dérober et bientôt les bidons de Clary et de Santini sont pratiquement pleins. Lorsque c’est au tour d’Osling de verser sa contribution, Clary croit bon de préciser :
« Vous savez, chef, je ne toucherai pas une goutte de cette flotte pour moi.
– Tout le monde le sait, Clary. Aucun des hommes n’a jugé utile de te le faire préciser. »
Assis à la façon des Arabes, les jambes repliées sous les fesses, Mattei est absorbé par la lecture de sa carte qu’il dévore comme si elle détenait un secret. Klauss le rejoint et, un genou en terre, lit par-dessus l’épaule du lieutenant. Du bout d’une allumette, il désigne un point sans prononcer un mot.
« Je sais, répond Mattei à l’interrogation muette du sergent. Ce n’est pas loin et il y a sûrement un puits.
– Il me semble qu’on devrait apercevoir ce village, mon lieutenant.
– Il est sans doute juste derrière la colline suivante. On pourrait le distinguer dans une heure, mais la nuit sera tombée.
– Quelle importance ?
– Mettez-vous dans la peau de l’ennemi, Klauss. Ils se savent poursuivis, et ils ont probablement compris que nous n’étions qu’un petit groupe, c’est-ce qui explique l’embuscade de lundi. Ils savent donc qu’arrivés ici, nous manquons d’eau. Que feriez-vous à leur place.
– Évidemment, je saboterais le puits.
– Pas forcément réalisable, c’est notre seule chance. N’oublions pas qu’ils ont été contraints de fuir rapidement. Il est vraisemblable qu’ils ne disposent ni d’explosifs, ni de mort aux rats.
– Alors j’aurais planqué une dizaine de types en arrière, bien disposés pour interdire l’accès du puits.
– Exactement. À cela près, que je ne pense pas qu’ils aient laissé un groupe si important. Ils ont sacrifié six hommes lundi, et ils ne doivent pas être tellement nombreux. Non, je pense qu’ils ont dû laisser un F. M. et un homme, deux ou
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