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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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il a introduit le canon dans sa bouche, le serrant entre ses dents de toute la force de sa mâchoire.
    Quelques secondes plus tard, l’adjudant devra exercer une forte pression de ses deux pouces sur le maxillaire du mort, pour récupérer son arme-
    Les corps des deux déserteurs furent descendus à la station d’Hoa-Trinh où le train blindé les récupéra quarante heures plus tard. Bien que personne ne fût dupe, le rapport de l’adjudant fut accepté et validé par le capitaine Raphanaud qui fit inhumer, avec les honneurs militaires, les deux légionnaires au cimetière de Phan-Thiet.
    Ils y reposent parmi un millier de leurs compagnons du 2 e Étranger.

 
     
18.
     
     
     
    E N janvier et février 1949 le train blindé et son équipage connurent une période paisible.
    La chasse depuis les wagons devint l’occupation principale des légionnaires qui rapidement passèrent maîtres dans l’art de déceler les points giboyeux et les heures où il convient de se mettre à l’affût. De cinq à six cents kilos de gibier étaient ainsi abattus chaque jour : les bêtes (buffles sauvages, faisans, paons, cerfs d’Extrême-Orient – moins grands que leurs frères européens mais tout aussi succulents) étaient séchées au soleil sur le toit des wagons, et les postes de Légion qui ne se trouvaient pas trop éloignés de la voie prirent l’habitude d’envoyer des petits groupes au ravitaillement chaque fois que le train blindé signalait sa présence à proximité.
    Par une matinée de la fin janvier le train se trouve à quelques kilomètres de Vin-Hao. À cet endroit la route et la voie ferrée longent la plage qui s’étend du cap Padaram à Tui-Phong. À l’aube de ce jour, la chasse a été particulièrement fructueuse, près d’une tonne de gibier est exposée au soleil sur le toit des wagons.
    Le central radio fait prévenir le capitaine Raphanaud. Par hasard, il vient de capter un message destiné à l’Amirauté de Saigon, émanant d’un sous-marin qui d’après la clarté de l’écoute doit se trouver très proche du train. En clair, le submersible déclare qu’il regagne Saigon en vue de se ravitailler.
    Raphanaud interrompt le message, décline son identité et sa position, et propose aux marins de leur donner la quantité de viande fraîche qu’ils désirent.
    Le capitaine de corvette Daigremont croit d’abord à une plaisanterie, mais finit par se rendre à l’évidence devant les précisions de l’officier de Légion. Il accepte un rendez-vous à un point que le train et le sous-marin peuvent atteindre en moins d’une heure.
    Ravis de cette diversion, les légionnaires observent à moins d’une centaine de mètres de la plage le sous-marin qui fait surface et qui envoie à terre deux youyous.
    Le commandant Daigremont a pris place à bord de l’un d’eux. Il visite, ébahi, le train blindé avant de recevoir la viande promise. En échange il offre aux légionnaires une caisse de cognac et vingt litres de vins de France.
    Raphanaud et ses hommes profitent de l’occasion pour prendre un long bain de mer et se sécher au soleil avant de quitter les rives de la mer de Chine pour s’enfoncer à nouveau au cœur de l’inquiétante forêt annamite.
     
    Le calme et la régularité des va-et-vient du train qui brossait tranquillement les rails entre Ninh-Hoa et Suoi-Kiet portaient les légionnaires à l’euphorie. Peu à peu ils se persuadaient que devant la puissance de leur arme mobile, l’ennemi avait capitulé. Seuls Raphanaud et ses adjoints Noack et Lehiat ne partageaient pas cet optimisme.
    À Phan-Thiet le 13 mars, un renseignement transmis par une unité de l’infanterie coloniale allait renforcer leur conviction que la période de détente qu’ils vivaient n’était que le prélude d’une offensive.
    D’après les déclarations de plusieurs prisonniers, le caporal Speck, le déserteur survivant de la patrouille Célier, se trouvait maintenant à la tête d’un Bo-Doî viet (un bataillon d’environ mille hommes). Il instruisait l’ennemi, préparait des opérations d’envergure ; opérations qui risquaient de se montrer efficaces et meurtrières car le traître possédait non seulement une grande expérience militaire mais encore une connaissance approfondie des positions, des habitudes, des mouvements et des réactions des divers éléments du 2 e Étranger dans le secteur où il se trouvait implanté. Pour accroître son prestige auprès des combattants

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