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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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impossible, il rejette cette idée. Il allume une cigarette avec le mégot de la précédente, puis très vite il entend la patrouille arriver. Il aperçoit Reszke dans la pénombre qui marche à la tête d’une dizaine de légionnaires ; derrière lui, se tient le lieutenant Noack toujours torse nu, toujours le monocle à l’œil.
    Quatre partisans Rhadès sont porteurs de brancards.
    « Les autres ? questionne Noack de sa voix caverneuse.
    –  Passés aux viets, mon lieutenant.
    –  Putain de charogne ! gueule Noack. Les super lions parmi les lions ! Ça commence bien !
    –  Speck a marchandé ma vie avant de déserter. »
    Noack ne répond pas. Il fait installer Célier sur un brancard et la patrouille repart en marche accélérée dans la direction du train.
    Le convoi se trouve à une dizaine de kilomètres de Cana – petit port sur la mer de Chine où il doit passer le reste de la nuit – mais, hélas ! La compagnie restreinte qui en assure la protection ne possède pas d’installation chirurgicale plus complète que celle du train. En conséquence, le médecin-capitaine Lambert décide d’amputer Célier immédiatement.
    Le petit chef viet avait parfaitement évalué les suites de son action : il est impossible dans des conditions aussi artisanales de songer à sauver la jambe du sergent.
    Par bonheur, l’infirmerie, ce jour-là, possède une quantité suffisante d’antibiotiques. Ce n’est pas toujours le cas, et le récit que fera plus tard Célier, racontant en détail comment les déserteurs furent soulagés et soignés grâce à des médicaments provenant d’un organisme français, devait provoquer chez ses auditeurs consternation et écœurement. Le capitaine Lambert fit un rapport soulignant que l’indignation des troupes combattantes françaises ne résultait pas de ce que l’ennemi recevait de la Métropole des colis de pénicilline, mais du fait que chaque jour des soldats français mouraient faute d’en posséder…
    Moins d’un mois après la désertion des trois légionnaires, le hasard voulut que les deux Français retombent dans les mains de la Légion étrangère.
    Une section de la 3 e compagnie en patrouille dans le secteur de Hâu-Sanh (à cinq kilomètres environ du point d’accrochage du groupe Célier) tombe sur une grotte. Les trois déserteurs y achèvent leur convalescence sous la protection d’une dizaine de combattants viets.
    Se voyant découvert, le groupe ennemi se scinde en deux. Quatre hommes prennent la fuite, transportant le caporal Speck sur une civière. Leurs compagnons couvrent leur retraite, retardant au maximum la section des légionnaires qui se lance à l’assaut. Sous les ordres d’un adjudant-chef les légionnaires mettent un bon quart d’heure à investir la position ennemie. Deux hommes seulement sont encore vivants, en plus des deux déserteurs français étendus sur des grabats dans le fond de la grotte.
    L’adjudant tire lui-même une balle dans la nuque des deux viets puis il s’approche, toujours pistolet au poing, des deux déserteurs dont il connaît l’aventure. Il est suivi des sept légionnaires qui forment sa section.
    L’un des déserteurs a compris ; il dit d’une voix sans émotion :
    « Nous n’avons pas pris les armes contre vous, ils nous ont tout de suite transportés ici, ils nous ont soignés. Ils étaient une dizaine, ils viennent de foutre le camp en transportant Speck. Si je pouvais vous communiquer des renseignements, je le ferais. » Le second, dans sa panique, cherche un ultime faux-fuyant. D’un timbre bouleversé par la terreur, il ânonne :
    « J’aurais rejoint ma compagnie dès que j’aurais pu, mon lieutenant. Jamais je n’aurais combattu mes amis, mes frères… Croyez-moi… Je vous le jure… » L’adjudant l’ignore. Il ne s’adresse qu’à l’homme qui a choisi de conserver sa dignité devant la mort qu’il sait imminente :
    « Si tu m’évitais la corvée dégueulasse qui m’incombe, je me démerderais pour faire passer un rapport bidon qui vous blanchirait tous les deux. »
    Le déserteur a compris ; il hoche la tête en signe d’approbation.
    L’adjudant soulève le cran de sûreté de son pistolet, le jette sur le grabat du légionnaire, puis il se retourne et sort de la grotte, faisant signe à ses hommes de le suivre.
    Trois détonations claquent aussitôt ; le déserteur a tiré deux balles dans la tempe de son compagnon et, retournant le colt contre lui,

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