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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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au-dessus de leur tête.
    Le capitaine Raphanaud et une trentaine de légionnaires se trouvent en plein milieu du cours d’eau lorsqu’un tir de mortier se déclenche, venant des rizières de la rive opposée. Heureusement il est mal dirigé et les obus vont éclater sensiblement en aval. Mais l’explosion des obus dans l’eau provoque des remous qui cisaillent les reins des hommes et les paralysent littéralement. Sur le moment, tous s’imaginent qu’ils sont atteints, tant les lames de fond sont violentes.
    Raphanaud s’en aperçoit le premier, il crie :
    « En avant ! Nous ne risquons rien : ils tirent comme des savates. Sortons de là ! Schnell ! »
    Les légionnaires parviennent tous à prendre pied sur la rive où ils demeurent un instant, couchés, attentifs. Noack s’approche de Raphanaud.
    « Ce doit être un groupe de diversion, mon capitaine. J’ai situé trois mortiers. S’ils étaient plus nombreux, il y a longtemps qu’ils nous seraient tombés dessus ; ils ont eu le temps de nous compter un à un pendant que nous traversions.
    –  C’est exactement mon avis. De toute façon on va aller voir. »
    Les deux officiers entraînent les légionnaires vers l’avant. Les mortiers ouvrent le tir à nouveau, mais leurs coups sont encore plus imprécis. Les légionnaires progressent sans qu’aucune arme automatique n’ouvre le feu. Très rapidement ils sont sur la première position de mortier. Les trois viets qui servent l’arme ne disposent que de coupe-coupe. Ils tentent de s’en servir, mais sont instantanément maîtrisés et égorgés par les légionnaires. Les deux autres positions de mortier sont investies avec la même facilité ; leurs occupants subissent le même sort.
    Le plan de l’ennemi se précise aux yeux des deux officiers, la dizaine d’hommes inexpérimentés et les trois mortiers japonais d’un modèle périmé depuis longtemps ont été sacrifiés. La compagnie de légionnaires a perdu une bonne demi-heure, la nuit tombe et le bataillon viet continue de courir dans une direction qu’il est impossible de situer avec assurance.
    Raphanaud se laisse tomber par terre, déçu et écœuré.
    « C’est râpé ! marmonne-t-il. Nous n’avons plus qu’à rejoindre les compagnies qui viennent du train. Inutile de nous presser. »
    Les légionnaires imitent leur chef et à leur tour s’affalent, épuisés et à bout de nerfs. Seuls les partisans Rhadès s’agitent. Sans émotion apparente et comme s’il s’agissait de la chose la plus normale du monde, ils ouvrent le flanc des morts et en extraient les foies qu’ils rangent dans leur musette. Noack, intrigué, suit un instant leur manège avant de les questionner :
    « Qu’est-ce que vous foutez ? Qu’est-ce que vous avez encore inventé ? »
    L’un des Rhadès, un caporal au regard malicieux, sourit, découvrant sa rangée de petites dents éclatantes :
    « C’est pour bouffer, mon lieutenant, c’est très bon. Ce soir on va faire des brochettes sur un feu de braise ; quand ils sont très jeunes comme ceux-là et qu’ils sont juste morts, c’est la meilleure nourriture du monde, ça donne de grandes forces. »
    Raphanaud se lève, indigné ; il est sur le point d’ordonner que cesse la mutilation des morts mais il est interrompu par le bruyant éclat de rire de Noack. Le géant, toujours torse nu, toujours son monocle vissé sur l’œil, semble tellement enchanté de l’attitude des Rhadès que le capitaine se décide à ne pas intervenir. Il a pourtant un regard vers les morts encore chauds et constate tristement :
    « C’est vrai que ce sont des gosses, je ne l’avais pas remarqué.
    –  Attention, mon capitaine, tranche Noack, pas de sensiblerie ! Pensez au spectacle que nous avons découvert tout à l’heure. Ces gosses ont participé au carnage, ne l’oubliez pas. »
    Raphanaud ne répond pas. Il crache par terre et se détourne. Noack le rejoint.
    « Vous savez ce que nous devrions faire ? C’est goûter avec eux le mets succulent que vont nous confectionner nos braves partisans Rhadès.
    –  Noack, ce n’est pas vos deux mètres de haut qui m’empêcheront de vous foutre ma main sur la gueule si vous continuez !
    –  Excusez-moi, mon capitaine, je plaisantais. »
    Un sergent s’approche pour signaler que les compagnies montantes sont en vue. Raphanaud remet son groupe en marche, et la troupe au complet rejoint la voie ferrée vers neuf heures du soir.
    Avant de

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