Paris, 1199
traces
et qui décimait le gibier.
Ils entrèrent dans la grande salle, une longue
pièce à deux cheminées, au sol en carreaux émaillés jaunes et verts avec un
motif en fleur de lys. La charpente était en bois couverte d’une épaisse couche
de chaume. Le roi alla à sa chaise et s’assit, laissant les deux hommes debout.
— Parle, Philippe ! dit-il au prévôt.
— Un maçon a entendu parler d’un souterrain
existant sous le Monceau-Saint-Gervais, à partir de la tour du Pet au Diable.
Il aurait été construit par votre grand-père, noble comte (il s’adressa au
comte de Meulan). S’il existe, ce souterrain m’inquiète, car à quoi servent des
murailles si on peut passer dessous ?
— Qu’en sais-tu, Robert ? demanda le roi
en plissant le front.
Robert de Meulan était un homme corpulent avec un
visage rougeaud, un double menton et des cheveux roux. D’un naturel fidèle, il
était tout dévoué au roi.
— J’en ignore tout, sire. Mon père ne m’en a
jamais parlé.
— J’approuve Hamelin. Il faut savoir !
décida Philippe Auguste après un temps de silence. Que peut-on faire ?
— Je pensais que le comte de Meulan pourrait
m’apprendre quelque chose, sinon j’aurai besoin de consulter ses chartes. S’il
y a un souterrain, il en sera fait mention.
— Mes chartes ? À Meulan ? s’étonna
le comte.
— Oui, en présence d’un de vos clercs, bien
sûr. Mon frère, qui est prévôt de Saint-Éloy, pourrait m’aider, ainsi personne
d’autre ne les consulterait.
— Cela te dérange, Robert ? Tu peux
avoir une totale confiance en Philippe et son frère, assura le roi.
— Non… non… S’il ne s’agit que de les
consulter. Mon chapelain sait où elles sont rangées. Mais je ne crois pas qu’il
y soit fait mention d’un souterrain.
— Alors, c’est décidé. Je dicterai une lettre
à mon clerc, et toi, Robert, dictes-en une aussi que tu remettras à Philippe.
Maintenant, laisse-nous, mon prévôt va m’entretenir d’autre chose.
Robert de Meulan sortit, contrarié mais obéissant.
Il ne refusait jamais rien à ce roi à qui il avait donné sa foi.
Philippe Hamelin raconta alors à Philippe Auguste
ce qu’il savait de l’archer anglais nommé Robert au Capuchon, et lui dit qu’il
était peut-être caché dans le souterrain du comte de Meulan. C’était cela la
première raison de sa visite.
Malgré le banquet qui avait duré une partie de la
nuit, le prévôt rentra à Paris dès le lendemain, au lever du soleil. Il se
rendit à l’abbaye Saint-Éloy pour chercher son frère et ils partirent ensemble
pour Meulan où ils arrivèrent à la nuit.
Ce fut l’épouse du comte qui les reçut. Mathilde
de Cornouailles, fille du comte de Cornouailles, lui-même fils illégitime
d’Henri I er d’Angleterre, ne savait pas lire. Après que le prévôt
lui eut expliqué les raisons de sa venue et remis les lettres, elle fit appeler
son chapelain pour qu’il les lui lise.
Les missives avaient la forme de quareignons,
c’est-à-dire de parchemins pliés en quatre, scellés et rangés dans une boîte.
Mathilde de Cornouailles ayant vérifié les sceaux, le clerc déploya la première
lettre et, à la lumière d’un flambeau, la lut une première fois en silence pour
la comprendre puisqu’elle était en latin. Ensuite, il la traduisit à voix haute
sans rien omettre.
Philippe, roi
de France, à ceux qui liront cette lettre, considère qu’il sera bons et
agréables services faits à notre compagnie que laisser Philippe Hamelin, prévôt
de notre chère ville de Paris, à regarder et étudier chartes et tous autres
documents décrivant les constructions et bâtisses érigées par les comtes de
Meulan dans l’Outre-Grand-Pont.
Fait en ce
jour de mai à Vincennes
Philippe, roi
La seconde lettre, celle du comte, était plus
brève. Adressée à sa femme, il lui demandait de laisser le prévôt de Paris
consulter les chartes sur le Monceau-Saint-Gervais en présence du chapelain et
d’un clerc.
Mathilde de Cornouailles ne posa pas de questions
sur les raisons de cet examen, car elle s’intéressait peu aux affaires de son
mari. Les frères Hamelin furent logés dans un réduit, sur la même paillasse, et
passèrent leur première journée dans une tour du château où étaient entreposées
les chartes les plus précieuses, surveillés par le chapelain et le clerc, car
ces parchemins étaient parfois les seules preuves des
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