Paris, 1199
s’enquit sévèrement le roi.
— Oui, sire. Le comte de Huntington n’est pas
mon ami, loin de là, mais je confesse que j’étais informé de ce funeste
dessein. C’était un projet du roi Jean qui avait aussi l’intention de vous
faire passer à trépas.
— Et vous ne les avez pas dénoncés ?
rugit Simon de Montfort en le désignant d’un doigt accusateur.
— Qui m’aurait cru ? J’avais choisi d’en
savoir plus et d’obtenir des preuves pour étayer mon accusation. Hélas, pour
Richard je n’ai rien pu faire, car Beaumanoir et Malvoisin sont allés à Châlus
sans moi.
En entendant la confirmation du crime commis par
les Templiers anglais, des murmures d’horreur se firent entendre sur les bancs.
Eudes de Sully se signa plusieurs fois avant de marmonner une prière.
— Poursuivez ! ordonna le roi à
Locksley.
— À Paris, Beaumanoir et Malvoisin ont
découvert que j’étais sur leur trace. J’ai eu la chance de trouver de l’aide
chez des tisserands qui m’ont caché. Ceux-là mêmes que le prévôt Hamelin a
saisis, il y a deux jours.
— Les hérétiques cathares qui seront
brûlés ! lâcha Simon de Montfort.
— Puis le prévôt m’a arrêté avec eux, poursuivit
Locksley en l’ignorant.
— Comment êtes-vous sorti de prison ?
demanda Robert de Meulan.
— Mon ami Guilhem et le seigneur de Bracy
m’ont fait sortir du Louvre.
À cet instant, quelqu’un entra dans la salle et le
roi, qui avait haussé les sourcils aux dernières paroles de Locksley, fit un
signe de la main pour que le nouveau venu s’approche. Guilhem se
retourna : c’était Lambert de Cadoc.
Le seigneur de Gaillon mit un genou en terre avant
de déclarer :
— J’arrive du manoir du Temple, sire. Je me
suis fait ouvrir en votre nom. J’y ai trouvé le commandeur Malvoisin et je lui
ai demandé de me suivre.
— Beaumanoir ?
— Il semble qu’il ait quitté la ville dès le
début de la messe, sire. Il n’est pas allé au manoir et je crains qu’il ne soit
déjà sur la route de Normandie.
— Si c’est vrai, sa fuite l’accuse, mais
avant de prendre des décisions, entendons le commandeur Malvoisin.
Cadoc ressortit pour revenir avec le Templier
désarmé. Revêtu du manteau du Temple, Malvoisin balaya la salle avec arrogance
et, découvrant Locksley et Bracy, il laissa tomber d’une voix satisfaite :
— Dieu soit loué, sire, vous avez arrêté ces
félons !
— Ces hommes ont proféré de graves
accusations contre vous, commandeur, répliqua le roi avec froideur.
— Ce sont des renégats et des menteurs, sire.
J’avais découvert hier qu’ils allaient attenter à votre vie à Notre-Dame, aussi
ai-je envoyé mon garde-chasse Hubert pour vous protéger, mais le seigneur de
Gaillon vient de m’apprendre que Robert de Locksley l’a tué. Dieu soit loué, ce
félon de Locksley n’a pas eu le temps de lancer une autre flèche sur vous.
Le visage du roi devint indéchiffrable.
— L’un de vous deux ment, décida-t-il au bout
d’un instant, en regardant successivement le Templier et Locksley.
Le Saxon haussa imperceptiblement les épaules.
— Il y a suffisamment de preuves contre lui,
sire.
— La seule preuve qui compte est le jugement
de Dieu, déclara Malvoisin qui venait de s’apercevoir que Robert de Locksley
avait un bras gauche immobile.
De nouveau, murmures et interjections montèrent
des rangs des chevaliers et des religieux : Malvoisin demandait le duel
judiciaire. Le roi se pencha vers l’évêque pour lui dire quelques mots à
mi-voix. Son père, Louis le Gros, avait délégué aux abbés le droit de faire
juger les procès par des combats à outrance et des duels, mais un duel était-il
acceptable dans le cas d’une tentative d’assassinat du roi ? L’évêque lui
confirma que rien ne s’y opposait.
— Le duel aura lieu dans la cour de justice
de l’évêché, décida Philippe Auguste.
Guilhem décela le sentiment de victoire chez
Malvoisin. Locksley, avec son bras meurtri, n’avait aucune chance.
Chapitre 32
— S ire, intervint Guilhem, je vous supplie d’entendre ma
prière. Mon ami Robert a été blessé par les gens du prévôt. Il serait injuste
qu’il se batte avec un bras en moins. Je demande à être son champion.
C’est au VI e siècle que les rois de
Bourgogne avaient admis le duel judiciaire comme preuve d’un procès. Peu à peu
la procédure avait été codifiée et l’usage d’un champion
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