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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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papier, des plumes, de l’encre.
Puis elle avait plaqué les paumes sur ses oreilles pour faire comprendre à Vico
Montanari qu’elle voulait écrire afin de dresser autour d’elle, en elle, mot
après mot, pierre après pierre, un mur qui la protégerait, auquel elle pourrait
s’accrocher quand elle se sentirait glisser vers l’abîme, dans cette galerie
noire où elle avait vu des hommes, des femmes, des enfants transpercés à coups
de hallebarde, cloués comme des trophées de chasse aux parois de ce souterrain
qui conduisait, leur avait-on dit, du n° 7 de la rue de l’Arbre-Sec
jusqu’aux berges de la Seine où l’on trouverait des barques pour s’enfuir et
échapper aux massacreurs.
     
    « Massacreurs » : elle répéta ce mot d’abord
à mi-voix, puis elle le hurla aux oreilles de Montanari :
« Massacreurs ! Massacreurs ! »
    Elle l’avait entendu pour la première fois ce matin-là quand
Bernard de Thorenc, le corps ensanglanté, blessé aux épaules, aux mains et au
front, le cou tailladé par les huguenots – car il était entré le premier
dans la demeure, puis dans la galerie –, lui avait murmuré, en la
soulevant et en la portant vers la sortie : « Ce sont des
massacreurs ! »
    Des hallebardiers, ces mercenaires suisses qui appartenaient
aux Guises, avaient voulu l’arrêter. Où allait-il ? Qui était cette femme,
pourquoi ne pas l’ouvrir ici comme une truie, en la fendant par le
milieu ? Et ils avaient fourré leurs mains entre les cuisses d’Anne de
Buisson.
    Bernard de Thorenc les avaient repoussés à coups d’épée,
criant que celle-là était à lui, qu’il la gardait pour son propre usage.
    — C’est ma bonne prise, et je l’ai payée de mon
sang !
    Et il avait exhibé ses blessures.
     
    Ils avaient pu quitter la maison du n° 7 de la rue de
l’Arbre-Sec.
    Elle avait renoncé d’instinct à nouer ses bras au cou de
Bernard de Thorenc, les laissant pendre, comme une proie blessée dans la gueule
du fauve.
    Mais, lorsqu’ils étaient parvenus rue des
Fossés-Saint-Germain, elle avait voulu marcher, et, dès les premiers pas, la
foule les avait cernés.
    Elle avait vu ces visages haineux, ces mains qui cherchaient
à s’accrocher à elle, à lui arracher ses vêtements.
    Bernard de Thorenc avait dû décrire des moulinets avec son
épée, mais la foule avait hurlé :
    — C’est une huguenote ! On la tue ! À la
Seine ! À la potence ! Au bûcher ! Donne-la, donne-la-nous !
    Bernard de Thorenc s’était campé devant elle et avait
repoussé cette meute en distribuant de grands coups d’épée. Puis la poterne
s’était ouverte et les valets armés de piques avaient empêché ces chiens de
pénétrer dans la cour, Montanari y attirant le prêtre devant qui elle avait dû
s’agenouiller, confesser ses erreurs. Elle en avait envie de vomir.
     
    — Massacreurs, a murmuré à son tour Vico Montanari.
    Il s’approche d’Anne de Buisson, veut lui prendre le poignet
mais elle se dérobe et va jusqu’à la fenêtre.
    Elle voit d’autres corps étendus dans la rue des Poulies,
éventrés, émasculés, les détrousseurs se partager les vêtements des morts, puis
regarder autour d’eux comme s’ils flairaient de nouvelles proies.
    Anne de Buisson a un mouvement de recul et se heurte à Vico
Montanari.
    — Les massacreurs n’entreront pas ici, dit-il,
cependant qu’elle s’éloigne, se recroqueville, assise sur le lit, le dos voûté,
les bras enserrant ses jambes repliées.
    Elle ne paraît pas écouter le Vénitien, qui explique que
personne à la cour, ni le roi, ni la reine mère, ni son frère, Henri
d’Anjou – ces deux-là ayant décidé le massacre et le souverain leur ayant
cédé – n’entendent entrer en conflit avec la Sérénissime République.
    Il se penche vers Anne de Buisson.
    — Ici, c’est l’hôtel de Venise, précise-t-il.
     
    Anne de Buisson se lève. Elle ne peut s’empêcher de marcher
à grands pas comme une folle, elle le sait, jetant les bras en l’air, les
tordant, répétant qu’elle les connaît : lui, ce roi qui aime à se faire
fouetter et qui fouette, qui tremble devant sa mère, le visage en sueur, les
yeux baissés, la parole hésitante ; et l’autre, le roi des mignons, Henri
d’Anjou, fardé, paré comme une femme ; et elle, Catherine, la Médicis, la
noire, la Reine de mort, celle qui ordonne à ses mages et à ses envoûteurs de
piquer des aiguilles dans le cœur des figurines

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