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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voire des pourceaux – et les
rires, avec le sang, emplissaient les rues ces jours-là –, Bernard de
Thorenc, rue des Poulies, rue des Fossés-Saint-Germain, baissait la tête,
craignant de regarder la fenêtre de l’hôtel de Venise derrière laquelle il
imaginait que se tenait Anne de Buisson.
    Il pressait le pas pour s’éloigner au plus vite de ces rues
où rôdaient les massacreurs guidés par ce prêtre devant qui Anne s’était
agenouillée et qui souvent s’arrêtait devant la poterne de l’hôtel de Venise,
comme tenté de la forcer, de reprendre ce qui lui avait été arraché, cette
huguenote qu’il n’avait pu que convertir alors qu’il eût voulu la tuer.
    De loin, dans la rue de l’Autruche, Bernard de Thorenc
observait ces massacreurs dont les mains, les bras et jusqu’à la bouche étaient
maculés de sang.
    Puis, lentement, lorsqu’il était persuadé qu’ils allaient
enfoncer d’autres portes, traverser la Seine en courant pour prendre en chasse
quelques huguenots qui tentaient de fuir – et le roi, depuis sa fenêtre du
Louvre, les tirait avec sa grande arquebuse comme à la chasse on vise un cerf
ou un sanglier –, Thorenc rentrait à l’hôtel d’Espagne.
     
    Il gardait l’épée à la main, et son foulard blanc –
taché de sang – était toujours noué à son épaule, sauf-conduit pour les
massacreurs, comme l’étaient aussi ces bandages rougis qui enserraient ses
épaules, ses mains, son front.
    Il marchait tête haute, maintenant, parce qu’il voulait
voir.
    Là, il butait sur les corps de deux femmes enlacées, nues,
le visage si tailladé qu’il en avait perdu toute forme humaine, et on avait
planté des cornes de bœuf entre leurs cuisses.
    Plus loin, au coin de la rue Saint-Honoré, c’était une
troupe d’enfants qui entourait un vieillard nu, agenouillé, et le forçait à
avaler des feuillets de la Bible, puis des excréments, car l’homme ne doit pas
lire le Livre saint en langue profane ni refuser le carême. Or ce vieux-là
avait fait tout cela. Alors, qu’il périsse dans les tourments !
    Quelques pas après, Bernard de Thorenc avait vu des
enfants – encore des enfants ! – crever le ventre d’une femme,
l’éviscérer, se servir des boyaux fumants comme de fouets, frappant le visage
d’autres huguenots que l’on poussait vers eux – et la foule d’applaudir
ces gamins rieurs qui tuaient si sauvagement.
     
    Bernard de Thorenc se retournait. Souvent, durant ces
journées de sang, il avait eu l’impression d’être suivi, et, quand il rentrait
à l’hôtel d’Espagne, Diego de Sarmiento, Enguerrand de Mons ou le père Verdini
le dévisageaient avec suspicion comme si l’un de leurs espions – ces
serpents-là étaient nourris par la reine mère, Henri d’Anjou ou Sarmiento
lui-même – leur avait rapporté que Bernard n’avait tué aucun huguenot,
s’était seulement défendu, évitant le combat. Qu’il s’était ainsi borné à
sauver une femme, cette Anne de Buisson, huguenote, sœur du maudit corsaire de
La Rochelle, Robert de Buisson, cette Anne, suivante de Catherine de Médicis,
que celle-ci voulait peut-être à présent faire disparaître, parce qu’elle avait
été témoin de trop de complots et que, Paris nettoyé, Henri de Navarre
converti, on n’avait plus besoin d’une huguenote parmi les femmes de la reine
mère.
     
    Aussi Bernard de Thorenc se méfie-t-il. Il ne faut pas
donner le moindre prétexte à ces massacreurs. Il faut éviter de regarder la
fenêtre de l’hôtel de Venise, et même de penser à Anne de Buisson.
    D’ailleurs, pourquoi l’attendrait-elle alors qu’entre eux
deux, depuis leur nuit sous l’escalier dans le palais du Louvre, le sang a
coulé comme un torrent les jours de crue ? Il fallait laisser passer le temps,
ne même pas s’approcher de Vico Montanari ou de son secrétaire, Leonello
Terraccini, que Bernard de Thorenc avait souvent aperçu à l’hôtel d’Espagne,
puis dans cette chapelle du Louvre où Henri de Navarre s’était agenouillé au
milieu des massacreurs, reconnaissant n’être qu’un dévoyé de la foi qui
demandait humblement à être reçu en la sainte Église. Et, lorsqu’il avait
ouvert la bouche pour recevoir l’offrande, le rire de Catherine de Médicis
avait été si fort qu’il avait empli toute la nef, et les massacreurs avaient
mêlé les leurs à celui de la reine mère.
     
    C’est à cet instant que Bernard de Thorenc

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