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Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Titel: Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fernand Clerget
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de leurs fragments principaux, s’offre si abondante, que j’hésite devant ma tâche. Il y faudrait plusieurs ouvriers, debout avant l’aube, et courbés encore dans le champ, le soleil couché. Que du moins je recueille ici les opinions les plus caractéristiques.
     
    « Tous les critiques de notre temps ont étudié Verlaine », a dit Laurent Tailhade dans une causerie [20] . Il en excepte Francisque Sarcey, mais il ajoute : peut-être… Il conte qu’il dut de connaître Verlaine à Armand Silvestre, fait une longue et pittoresque description des réunions de la jeunesse au Quartier-Latin, jusqu’à l’année 1884 où il vit Verlaine, dont il donne ce portrait :
     
    « Le front dévasté par le génie ou la douleur, plus vieux que son âge, mais la face éclairée par un sourire d’enfant et le clignotement spirituel de ses yeux obliques, Verlaine rappelle à première vue le visage traditionnel de Socrate, avec je ne sais quoi de magnifique et de robuste qui s’impose aux regards fascinés. C’est, sans doute, son beau crâne pareil à la coupole d’un temple, son crâne d’où tant de hautes pensées, de rythmes imprévus s’envolèrent vers le ciel. Dans le buste excellent qu’il en a fait, le sculpteur Auguste de Niederhausern sut dégager merveilleusement le caractère pour ainsi dire sacré de ce visage marqué du signe de la Muse. Son Verlaine rappelle ce satyre de la Légende des Siècles dont les « cils roux laissent passer de la lumière », et qui chante, sur la lyre d’Apollon, « avec des profondeurs splendides dans les yeux. ».
     
    Peu de temps après cette causerie de Tailhade, Charles Maurras, dans une longue et consciencieuse étude [21] , évoquait l’influence d’Arthur Rimbaud sur la poétique de Verlaine. On a beaucoup parlé de cette influence. Peut-être ne fut-elle, dans la vie tourmentée du poète, qu’un accident parmi tant d’autres, mais auquel un peu de mélodrame donna du relief. Voici ce que Charles Maurras en dit de spécial :
     
    « Rimbaud devint promptement le mauvais ange du poète. Il lui ouvrit les portes de son enfer. Il le décida à goûter tout ce que gardent de charme les beautés de décadence et d’arrière-saison. En un mot, il l’orienta dans le sens de la plus parfaite perversion esthétique. Rimbaud, comme Verlaine, avait déjà mordu aux fruits amers de Baudelaire. Il avait médité l’enseignement des Fleurs du Mal et des Paradis artificiels , avec le commentaire, fort lucide, qu’y avait ajouté Gautier… C’est vers ce temps que commença la vie commune de Verlaine et de Rimbaud, et c’est ce que j’ai cru pouvoir appeler leur collaboration ; de là est, en effet, sorti ce que l’on a coutume d’appeler proprement le Verlainisme en poésie… Les conseils, les indications d’Arthur Rimbaud, qui avaient induit Verlaine à faire de la poésie le simple, le libre miroir de la sensibilité, l’avaient aussi déterminé à tenir la nécessité de l’émotion pour unique bien poétique. Il outrait ainsi une des plus dangereuses maximes de Lamartine et de Musset touchant le Pathétique, le Sentiment et la Passion. »
     
    Un an plus tard (Verlaine venait de mourir), Charles Maurras, délaissant l’incident Rimbaud, qui est la plus grosse part de légende dans la vie du poète, notait strictement la personnalité du Maître disparu [22] .
     
    « Il était la parure et la curiosité de tout un âge de poètes. Bien qu’il eût assez de génie pour se passer d’une légende, il eut pourtant cette légende, avec l’honneur d’en avoir forgé presque tous les traits. Voilà cette légende atteinte, la légende du Saturnien, du poète maudit, par la noble publicité donnée à cette mort, par le concours de peuple qui s’est porté à ces obsèques, par les hommages solennels rendus à cette tombe ouverte. Mais la légende peut périr. Elle semblait déjà caduque à plus d’un bon esprit. L’âme charmante et désolée de ce doux poète ne peut périr, à tout le moins, qu’avec nous-mêmes. Elle s’est attachée à l’âme de notre génération. Sans discuter de leur mérite, il est certain qu’une centaine de vers de Paul Verlaine nous est gravée au cœur ».
     
    Autrement, et plus grave, Anatole France écrivait [23]  :
     
    « Il ne faut pas juger ce poète comme on juge un homme raisonnable. Il a des idées que nous n’avons pas, parce qu’il est à la fois beaucoup plus et beaucoup moins que

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