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Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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« De quel sortilège suis-je le jouet ? » soupira-t-il, le sourcil froncé.
    Ayant décoché un dernier coup d’œil à la forteresse inconnue qui, après l’avoir régalé d’étranges spectacles, paraissait maintenant déserte et comme abandonnée depuis des années, il piqua des deux et se dirigea vers la forêt en quête d’un chemin qui pût le conduire au manoir de sa mère.
    Mais plus il avançait, plus le jour baissait, plus un brouillard dense l’enveloppait à telle enseigne qu’il eut soudain l’impression que le ciel venait de crouler sur la terre (19) .

4

Les Routes de nulle part
    Après avoir longtemps erré par les bois, sans savoir où il allait, en se heurtant sans cesse aux branches, Perceval parvint enfin dans un lieu où le ciel éclairci lui révéla une clairière. Il se demandait néanmoins avec angoisse quelle direction prendre pour retrouver le manoir de sa mère quand il entendit retentir, dans l’un des chemins qui partaient de la clairière, des gémissements et des pleurs et, à travers les dernières écharpes de brume, il aperçut une femme qui, la tête parée d’une coiffe magnifique, se tenait près d’un cheval tout harnaché. Elle soulevait entre ses bras le corps sans vie d’un homme qu’elle essayait de placer sur le dos de l’animal, mais elle n’y parvenait pas : à chacune de ses tentatives, le cadavre retombait à terre et, chaque fois, la femme poussait de grands cris.
    Perceval s’approcha. « Douce amie, dit-il, que se passe-t-il ? Ne puis-je rien faire pour t’aider dans la détresse où je te vois plongée ? – Comment se peut-il que quelqu’un se soit égaré dans ce désert ? répondit-elle sans se retourner. Si tu m’en croyais, tu partirais d’ici au plus vite, car des choses bien fâcheuses y menacent l’étranger qui ne connaît pas les lieux. Nombre d’hommes, dans ces parages, ont perdu la vie, j’en sais quelque chose. Aussi, éloigne-toi, je t’en conjure, si tu ne veux périr comme ce chevalier ! – Femme, je n’ai jamais fui devant le danger. Dis-moi, qui a tué ce chevalier que tu tiens entre tes bras ? »
    Elle se retourna alors et vit le jeune Gallois fièrement campé sur sa monture. « Perceval l’excommunié ! s’écria-t-elle. En vérité, j’ai peu de secours à attendre de toi, et je serais fort aise que tu t’écartes de moi au plus vite ! – Excommunié ? s’ébahit Perceval. Pourquoi me traites-tu d’excommunié ? Et comment sais-tu qui je suis ? » Après avoir reposé le corps du chevalier sur l’herbe jonchée de rosée, la femme regarda Perceval droit dans les yeux. « Je vais te le dire, reprit-elle. Tu es excommunié pour avoir causé la mort de ta mère. – Tu mens ! s’écria Perceval. Ma mère est l’être au monde auquel je tiens le plus ! – Tu n’en es pas moins responsable de sa mort, Perceval. Quand, malgré ses prières et son chagrin, tu l’as quittée, un glaive de douleur s’est plongé dans son cœur, et elle a succombé sitôt que tu eus franchi le pont. Au surplus, lorsque tu t’es retourné et l’as vue gisante à terre, à l’entrée du pont, tu n’as même pas esquissé le geste de revenir. Voilà pourquoi tu es excommunié. »
    Éperdu de chagrin, le Gallois descendit de son cheval. « Douce amie, finit-il par dire, comment sais-tu tout cela ? – Je sais bien des choses qui te concernent, Perceval, car je suis ta cousine germaine, la fille d’un frère de ta mère. À ma naissance, on m’a donné le nom d’Onnen, mais on me connaît désormais seulement sous un autre nom. Celui-ci n’est guère flatteur, et je devrai le supporter aussi longtemps que les aventures ne seront pas accomplies. Mais, toi-même, Perceval, pourquoi te trouves-tu ici, et d’où viens-tu ? Je vois que tu portes au côté une épée qu’il me semble reconnaître. Qui te l’a donnée ? – Un vieil homme aux cheveux blancs, boiteux et qui m’a reçu la nuit dernière dans sa forteresse. Il me l’a remise en assurant qu’elle me conviendrait. – Comment, s’écria Onnen, oses-tu prétendre que tu as été la nuit dernière l’hôte du Riche Roi Pêcheur ? – Par ma foi, chère cousine, j’ignore s’il est roi, mais j’ai pu constater qu’il est riche et d’une parfaite courtoisie. Hier soir, alors que j’errais à la recherche d’un gîte pour la nuit, j’ai aperçu deux hommes dans une barque qui glissait doucement sur l’eau : l’un d’eux ramait,

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