Perceval Le Gallois
Perceval se mit en route pour le Mont Douloureux. Mais au moment même où il franchissait la porte, Etlym le rattrapa et lui dit : « Seigneur, par la foi que je te dois, je pars avec toi. Je n’ai pas oublié que je suis ton homme lige. – Eh bien, soit, dit Perceval. Sache que j’éprouve grand plaisir à cheminer en ta compagnie. » Ils chevauchèrent de la sorte pendant une grande partie de la journée avant d’apercevoir le Mont Douloureux et les pavillons dressés tout autour par les chevaliers désireux de s’approprier la pierre que le serpent conservait en sa queue. Perceval s’arrêta et dit à Etlym : « Ami, va trouver ces gens, là-bas, et commande-leur de venir me faire hommage. » Etlym piqua des deux et, à peine arrivé près des chevaliers, leur dit, sans même prendre le temps de mettre pied à terre : « Venez faire hommage à mon seigneur. – De quel seigneur parles-tu ? demandèrent-ils. – De Perceval à la Longue Lance, fils d’Evrawc ! déclara fièrement Etlym à l’épée rouge. – Par Dieu tout-puissant ! s’écrièrent les chevaliers, s’il était permis de mettre à mort un messager aussi insolent que toi, tu ne retournerais certes pas vivant auprès de ton maître ! Jamais demande plus arrogante n’a été faite à des rois, des comtes et des barons ! Estime-toi heureux de t’en tirer à si bon compte, retourne vers ton maître et dis-lui qu’il est un insensé ! »
Etlym revint auprès de Perceval et, après lui avoir transmis le message, se vit ordonner de retourner auprès des chevaliers et de leur donner le choix soit de lui faire hommage, soit de le combattre. Il se rendit donc à nouveau vers les pavillons, mais les chevaliers répondirent qu’ils préféraient se battre. Et, ce jour-là, Perceval fit mordre la poussière à cent d’entre eux. De même en renversa-t-il cent autres le lendemain. Tant et si bien que, le troisième jour, les cent qui n’avaient pas encore combattu se résignèrent à lui faire hommage.
Alors, Perceval leur demanda ce qu’ils faisaient là tous autour du Mont Douloureux. « Seigneur, répondirent-ils, nous montons la garde autour du tertre où se terre le serpent dont la queue renferme une pierre merveilleuse. Cette pierre a la vertu suivante : celui qui la tient dans une main peut obtenir dans l’autre autant d’or qu’il le désire. Or, aucun de nous n’oserait affronter le serpent. Aussi attendons-nous que quelqu’un vienne pour le combattre et le tuer. Alors, nous disputerons la pierre au vainqueur et, s’il le faut, nous nous battrons entre nous, puisque aussi bien la pierre ne peut revenir qu’au vainqueur. – Fort bien, dit Perceval. Attendez-moi ici. – Que veux-tu faire, seigneur ? demandèrent-ils. – Je veux aller rendre visite au serpent et le tuer, répondit calmement Perceval. – Permets-nous de t’accompagner, dirent les chevaliers. – Cela ne peut être, répliqua Perceval. Voilà des semaines et des mois que vous êtes là à attendre que quelqu’un combatte le serpent. Il ne vous appartient pas d’y aller, puisque vous n’avez jusqu’à présent pas eu le courage de l’affronter. Demeurez ici, j’irai seul, car si je tuais le serpent et que vous fussiez là, on pourrait toujours croire que c’est l’un d’entre vous qui en a accompli l’exploit, et j’en retirerais bien peu de gloire ! » Il s’approcha donc seul du tertre et, après en avoir dûment repéré l’entrée, s’y risqua, le poing toujours serré sur la pierre que lui avait donnée la femme aux cheveux noirs. Et là, parmi les ténèbres où se complaisait le serpent, il tua celui-ci d’un seul coup d’épée.
Sur ce, il s’empara de la pierre que recelait la queue du monstre et sortit du tertre. Les chevaliers l’attendaient tous près de l’entrée mais, comme ils lui avaient juré hommage, ils ne pouvaient rien faire contre lui. Alors, il leur dit : « Il est juste que vous obteniez quelque compensation à votre longue attente. Évaluez votre dépense depuis votre arrivée en ces lieux, je vous la rembourserai largement. » Chacun fit donc ses comptes et les lui présenta. Par la vertu de la pierre qu’il tenait dans une main, son autre main ruisselait d’autant d’or qu’il en fallait pour dédommager les chevaliers. Ayant ainsi agi, il ne leur demanda rien d’autre que d’être ses hommes liges et de lui prêter assistance quand il en aurait besoin.
Puis il se tourna vers Etlym à
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