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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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terribles convulsions qui lui firent régurgiter la moitié de son être. Je donnai un louis au second du capitaine pour qu'il lui trouvât un grabat afin de reprendre ses esprits. Pour ma part, je louai deux portefaix sur le quai pour mener mes malles jusqu'à la voiture de poste où j'embarquai sans attendre pour Paris. J'abandonnai là Simon. Il saurait bien me rejoindre.
    Le bonheur de revenir dans ma maison fut en partie gâché par le désordre qui y régnait. La toiture et l'étage supérieur avaient en effet souffert de la tempête évoquée par M. de Saint-Rémy dans ses courriers, mais aucuns travaux n'étaient à ce jour engagés pour les restaurer. J'en réclamai des explications à M. de Saint-Rémy qui me répondit que les ouvriers avaient manqué à cause du grand nombre de bâtisses qui nécessitaient des réparations. Comme je lui faisais remarquer les six mois qui s'étaient écoulés depuis, il rétorqua sans se démonter que c'était bien la preuve de la violence de la catastrophe. Mais le meilleur reste à venir. Car quand je lui demandai de me restituer les mille livres envoyées pour réparer ma demeure, M. de Saint-Rémy me conta une des histoires les plus alambiquées qu'il m'eût jamais servies. D'après lui, les mille livres ne tarderaient pas à me revenir, toutefois dans l'instant elles n'étaient plus en sa possession. Le début des travaux tardant, il les avait confiées à un ami courtisan qui devait incessamment les rendre, avec un bon petit intérêt à la clé, me confia-t-il, assez content de lui. Pour la date, je devais me contenter de l'imminence promise. M. de Saint-Rémy commençait à être âgé : je n'eus pas le mauvais goût de lui montrer ma mauvaise humeur. Et puis je le savais tellement cancanier qu'il était certain qu'en cas d'esclandre il me ferait mauvaise presse de Paris à Versailles. Je ne revenais pas pour déjà faire parler de moi. Il n'en restait pas moins que ma maison menaçait de me tomber sur la tête. Les jours suivants, je me résolus à chercher un nouveau logis. Au fond, c'était peut-être mieux ainsi : cela ajouterait de la discrétion à mon retour.
    Une de mes premières visites fut pour M. de Richelieu qui me félicita de ma bonne mine ainsi que de la bonne affaire conclue par l'intermédiaire de Nallut.
    — Mon cher comte, je ne doute pas que cette charge de commissaire aux subsistances comblera votre appétit.
    — Je pense en effet, à ce que m'a dit Nallut, que les régiments corses seront bien nourris.
    — Attention de ne pas trop les gâter. Pour bien se battre un soldat doit se garder de l'embonpoint.
    — J'y veille déjà. Nallut m'a confié qu'avec ce qu'on lui donne pour l'achat du seul bétail il y a de quoi nourrir le double des garnisons.
    — Fort bien, mais achetez-en seulement pour la moitié de ce qu'il est nécessaire. Rien ne sert non plus d'engraisser les marchands de viande. Le reliquat arrondira vos bénéfices.
    — Je retiens le conseil.
    Vous devez trouver ces propos pénibles à entendre, surtout de la part d'un grand soldat comme le duc. Eh bien, certes, je ne tire aucune fierté d'avoir ainsi agioté sur l'intendance de nos régiments. Mais j'ai promis d'être sincère dans ces mémoires. Sachez toutefois que, malgré mes petits arrangements, nos troupes virent leurs rations augmenter substantiellement par rapport à la gestion précédente. Il est vrai qu'elles mouraient alors presque de faim. Et puis, point d'hypocrisie, la méthode n'était pas nouvelle : il n'y a pas un ministre ou un général qui n'ait profité de ses fonctions pour se bâtir une petite fortune. Ne croyez pourtant pas que ce commerce fît de moi un nouveau Crésus. D'ailleurs, la marotte que vous me connaissez m'occupa bientôt de nouveau.
     
    En presque une année, mes filles s'étaient dispersées dans Paris. Certaines avaient même quitté la ville. Je décidai d'en recruter de nouvelles, mais en petit nombre pour ne pas attirer l'attention. Ma nouvelle maison, rue de la Jussienne, accueillit au début de 1764 trois charmantes pupilles. Je les réservais à de fins connaisseurs, aussi discrets que généreux. Le duc de Fitz-James, le comte de Thiard, le duc de Biron et quelques autres firent ainsi de ma maison une de leurs adresses favorites. J'avais toujours en tête le projet que vous savez, et une certaine Dorothée, sans correspondre au portrait idéal, présentait de solides arguments pour me permettre de nourrir quelques espoirs. Je

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