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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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– je le pensais vicieux –, cependant son aplomb me surprit. Comme quoi, on sous-estime toujours les vices des domestiques.
    Au fait, avant de clore ce chapitre, il me reste à vous donner des nouvelles de Louison. Finalement, je n'eus pas à payer bien longtemps l'aumône promise. J'avais demandé à Nallut de s'occuper de cette corvée, mais le second mois où il fit porter les vingt-cinq livres par son jeune commis, elles lui furent retournées. La Rampeau expliqua au garçon comment Louison avait disparu un beau jour, laissant la porte de sa masure grande ouverte. On soupçonna un enlèvement : la dame était connue pour accueillir facilement les inconnus. La Rampeau ajouta cependant qu'elle fut retrouvée peu de temps plus tard, non loin de là, chez un marchand de vin. Mais pas comme Louison l'aurait souhaité. On découvrit d'abord sa tête dans un tonneau puis son corps dans un second. On jeta les deux cuvées.
    22 Le duc de Choiseul précise dans ses Mémoires n'avoir eu vent de la nouvelle idylle du roi que vers le début de l'été 1768 de la bouche de M. de Saint-Florentin. Il ne donne toutefois aucune date précise et en profite pour placer sciemment à ce moment-là sa rencontre avec Jeanne, sûrement pour la discréditer. Cela paraît proprement impossible car à cette époque, Jeanne n'avait rien à demander à un ministre, sa nouvelle position de maîtresse royale lui garantissant toutes les faveurs. Il faut en conclure que tous les mémoires comportent leur lot de mensonges.

 
    Chapitre XXX
    A ux alentours de la troisième semaine du mois de juillet, un étrange courrier parvint à M. de Richelieu. Le prince de Conti le conviait à un souper chez lui, au prieuré du Temple, et le priait de venir accompagné de ma personne. La méthode était peu orthodoxe, mais en s'adressant directement au duc de Richelieu, le prince voulait sans nul doute signifier que l'objet de cette invitation relevait de la plus haute importance. Le duc me communiqua la demande et j'acceptai, bien que je vous aie dit me méfier un peu d'un homme qui se vantait d'être l'ennemi du roi.
    L'enclos du Temple bruissait d'une agitation fiévreuse. Retranché dans ce vaste lieu franc en plein Paris, le prince y faisait bâtir toujours plus d'immeubles. Il les louait ensuite à des gentilshommes pressés d'obtenir une maison, en même temps qu'ils se garantissaient de tout éventuel tracas judiciaire dont ils auraient été l'objet. Comme je vous l'ai expliqué, la loi commune ne s'appliquait pas ici. Nous fûmes reçus avec beaucoup d'amabilité par le prince, qui nous montra quelques-unes de ses splendides collections, en particulier de bustes antiques, tout en causant de choses et d'autres. Nous passâmes ensuite dans un petit cabinet où un homme semblait nous attendre. Il était de dos et consultait une carte de l'Europe dépliée devant lui. En entendant notre arrivée, il se retourna. Je m'arrêtai net. M. de Kallenberg nous adressa un salut d'un bref hochement de tête. Le prince prit la parole :
    — Je ne pense pas qu'il soit utile de vous présenter, messieurs, dit-il en s'adressant à moi et à Kallenberg.
    — Nous nous connaissons peu mais suffisamment, en effet, répondis-je.
    — En revanche, monsieur le duc, souffrez que je vous présente M. de Kallenberg, qui, en plus de bien connaître M. le comte du Barry, est à mon service, et surtout à celui des chevaliers de Malte.
    — Je crois avoir entendu parler de vous, chevalier, dit le duc. C'était à Londres, n'est-ce pas ? ajouta-t-il en me regardant.
    — C'est cela, monsieur le duc. Nous avons réglé une affaire en gentilshommes et j'en garde un profond souvenir, répliqua Kallenberg en se touchant le haut de l'épaule droite.
    — Bien, trêve de souvenirs, coupa le prince, passons à table.
    On jugera de ma surprise de retrouver encore une fois M. de Kallenberg sur mon chemin. Évidemment, j'avais eu raison de lui au cours du fameux duel au pistolet, mais à l'inverse de ce qui arrive parfois entre deux anciens adversaires, je ne ressentais aucune envie de m'en faire une relation, encore moins de lui être agréable. De son côté, il restait à l'identique, son rictus vissé aux lèvres, et cet air d'arrogance qui donnait envie de le corriger sans bien savoir pourquoi.
    Nous n'étions que quatre pour le souper. Le prince plaça Kallenberg à sa gauche et nous proposa de nous installer en face d'eux. Les domestiques servirent les premiers plats pendant que

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