Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
Vom Netzwerk:
solides talents pour mériter un tel traitement, dis-je.
    — Si peu, monsieur. Car j'imagine que nous parlons bien des mêmes dispositions ?
    — Sûrement, oui… De celles qui font les favorites des souverains… ? hasardai-je.
    — C'est cela. Eh bien, si j'en juge par la rumeur, le roi s'ennuie au lit avec elle, figurez-vous.
    — Comment cela ?
    — Oui, c'est de l'eau tiède.
    — Et le roi la couvre de présents…
    — Comme une seconde reine.
    — Elle doit avoir d'autres vertus qui le satisfont.
    — Il la consulterait sur tout. Elle a barre sur lui, dit-on même. Et pour faire une carrière à la Cour, mieux vaut se réclamer de ses amis que d'être un prince. Mon maître en sait quelque chose. Elle régente presque tout. Jusqu'aux amours du roi…
    — C'est-à-dire ? Je comprends mal…
    Le comptable se servit un plein verre de bordeaux et reprit :
    — C'est simple, puisqu'elle ne peut contenter la sensualité de son royal amant, elle a organisé un commerce d'un genre particulier pour le satisfaire.
    — Un commerce ?
    — Si l'on peut dire, oui. Depuis quelques années maintenant, pas une femme n'entre dans la couche du roi sans que la Pompadour ne l'ait adoubée…
    — Diantre… pardonnez ma curiosité, mais comment si prend-elle ?
    — De la manière la plus simple du monde, monsieur. Elle a des yeux dans tout Paris. Lorsqu'un de ses affidés lui signale une jeune beauté, elle la fait harponner par mille cajoleries. Peu résistent, vous vous en doutez, la vertu étant bien mal payée à notre époque. Ensuite, on installe les élues dans un mignon rendez-vous de chasse des jardins de Versailles, aimablement nommé le Parc-aux-Cerfs, bien qu'exclusivement habité par des biches… Là, elles y attendent que le roi vienne s'abandonner à leurs caresses.
    — Et Mme de Pompadour n'a pas peur de perdre sa position pour la faveur d'une de ses protégées ?
    — Point du tout, monsieur, c'est un sérail sur lequel elle règne en sultane. Je ne dis point qu'elle a droit de vie ou de mort, mais aucune de ces filles ne reste assez longtemps pour être remarquée par le souverain. On sort aussi vite du Parc-aux-cerfs que l'on y est entré. L'habitude veut d'ailleurs que, pour les plus belles, la favorite arrange un mariage avec un obscur parti de province, et pour faire bonne mesure, le roi y ajoute deux cent mille livres de dot.
    — Voilà de l'argent bien employé, ironisai-je.
    — Voilà surtout comment on creuse la banqueroute. C'est ce qui arrivera sans doute à Mme O'Morphy, jeune beauté de quatorze ans qui donne pourtant bien du fil à retordre à la marquise. Il faut dire qu'elle est d'un éclat rare. Et avec cela, pas une once de moralité. M. le duc vient d'acquérir au peintre Boucher une scandaleuse peinture où elle exhibe ses charmes dans une pose, monsieur, une pose…
    Il s'interrompit et leva les yeux au ciel.
    J'ai vu ce tableau quelques années plus tard et j'ai fait l'acquisition d'une superbe copie. Mon prude comptable n'était pas dans le faux : la pose était osée mais délicieuse pour celui qui sait apprécier l'art de M. Boucher.
    — Cette jeunette, reprit-il, a su si bien se distinguer des autres pensionnaires du Parc-aux-Cerfs qu'elle imagine, dit-on, détrôner Mme de Pompadour. Mais elle va trop vite en besogne. Elle finira par lasser le roi. Et, entre-temps, la marquise l'aura vite remplacée.
    Honnête lecteur, les révélations de mon interlocuteur vous troublent, je le sens bien. Autant qu'elles me troublèrent ce soir-là, mais pas pour les mêmes raisons que vous. Aucune idée précise ne m'assaillit alors, mais j'eus le sentiment très vif que mes modestes talents pouvaient trouver quelque utilité sur cette scène. Encore fallait-il participer à la représentation.
     
    L'heure avançait et la salle à manger de l'auberge était maintenant presque vide ; cependant, les confidences du bonhomme m'avaient mis en appétit d'en apprendre plus. Je le relançai sur la fortune de la marquise.
    — Mme de Pompadour doit avoir accumulé une jolie rente, j'imagine.
    — Certes, mais elle ne manquait déjà pas de biens. Son père a longtemps agioté avec les frères Pâris, les célèbres banquiers. Et aujourd'hui encore, ses accointances avec tous les spéculateurs de la place lui donnent un crédit sans limite auprès du roi. Des collègues bien placés m'ont même affirmé que, d'une main, elle fait remplir les coffres et que, de l'autre, elle les vide !
    Je fis alors

Weitere Kostenlose Bücher