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Pour vos cadeaux

Pour vos cadeaux

Titel: Pour vos cadeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Rouaud
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horaires
élastiques, lesquels le contraignaient à devoir attendre neuf heures du soir
pour faire ses courses et se procurer un indispensable – alors que
nous nous proposons de nous mettre en quatre pour tenter d’adoucir cet
humiliant quotidien – œuf en plâtre (ou en bois, un soupçon plus
cher, mais l’avantage d’être incassable) destiné, ce leurre, à inciter ses
poules à pondre et couver au même endroit – mais au fait, à cette
heure-là, vous nous inquiétez, ne sont-elles pas couchées ? des poules
insomniaques ? Bon, nous voilà rassurés, et donc, pauvre humanité
souffrante, vous n’avez pas encore dîné ? Notez que nous non plus. Mais il
ne note pas, ne s’en soucie pas. Dans son esprit d’exploité universel, les
commerçants appartiennent à l’autre camp, où l’on n’a qu’à se tourner les
pouces, la nourriture vous tombe toute cuite dans le bec. Car enfin, demeurer
derrière un comptoir à jouer à la marchande, rendre la monnaie, sur le mode de
et dix qui font cent, c’est à la portée de toutes les petites filles, un jeu
d’enfant. D’ailleurs, ne vous inquiétez pas, vous nous réglerez une autre fois.
Nous comprenons que les temps sont durs, que la tournée des cafés assèche le
porte-monnaie et sommes disposés à attendre la bonne fortune d’un pari gagnant
dans la prochaine réunion hippique.
    De même nous secourions chaque nuit de Noël – à
peu près toujours les mêmes que nous nous étonnions certaines années de ne pas
voir, les soupçonnant de nous avoir été infidèles – les maris
distraits qui soudain, comme les cloches sonnaient de la messe de minuit,
s’avisaient qu’ils avaient oublié ce rendez-vous de la crèche et des souliers à
garnir, mais avec quoi, c’est embêtant, ce retour, tous les ans, cette
obligation des cadeaux, si bien qu’à la fin,
elle – l’épouse – a tout, et donc, de Fête des mères en
père Noël, n’a plus besoin de rien, alors, que me conseillez-vous ? Mais
en général peu difficiles, arrêtant leur choix sur une casserole ou un vase, ça
ira comme ça, nous demandant de faire le paquet pendant qu’ils filent à la
messe, un coup d’œil à la montre, ils vont se faire sermonner, et donc, le
cadeau, ils le reprendront au retour, vous serez encore ouvert ? Quelle
question, il ne sera, somme toute, qu’une heure du matin, nous précisant, pris
soudain d’une crainte d’abuser, qu’ils n’exigent pas la faveur autour du
paquet, pas la peine, inutile de se mettre en frais, et c’est nous qui
insistons, tout de même, ça donne un petit air de fête, d’autant que pour
l’occasion nous collons, à cheval sur le ruban, une étiquette en forme de
feuille de houx, dont la gomme adhésive laisse au bout de la langue un goût
d’amande amère, et sur laquelle on peut lire en lettres d’or sur fond vert,
Joyeux Noël, laquelle, demain nous remiserons dans le tiroir du comptoir
jusqu’au vingt-cinq décembre prochain. Alors, autant en profiter.
    Le dimanche, et c’est officiel, nous nous accordons un
après-midi de congé. Mais frappez et on vous ouvrira, ce dont ne se privent pas
quelques promeneurs, au nom de la nécessité, d’un petit bonjour à donner, ou du
passe-droit de l’amitié. Car le dimanche après-midi – Dieu n’est pas
seulement partout mais tout le temps – il y a les vêpres, ce qui veut
dire, à la sortie, les indispensables œufs en plâtre (ou en bois) qui font
subitement défaut, ou les joints en caoutchouc pour la mise en conserve des
haricots verts du potager qui ne peuvent attendre, ou un anti-monte-lait, sorte
de monocle pour cyclope, dont on se demande ce qu’il peut empêcher, mais vite
car le lait va déborder, ou une bouillotte car par ce froid la dernière a
explosé, inondant le matelas, bouillotte trop pleine, d’eau trop chaude,
diagnostiquons-nous scientifiquement, nous lançant dans un cours de physique,
la vapeur occupe un plus grand volume, et si elle n’a plus de place,
rappelez-vous, Denis Papin et sa marmite. Ou encore, à l’improviste, sans
besoin particulier, après avoir pressé abondamment le bouton de la sonnette,
l’endimanché, d’un air innocent, peut-être n’étiez-vous pas ouvert ? Sûr
que je ne vous dérange pas ? Dans ce cas je me demandais si vous n’auriez
pas – et là, immédiatement nous dressons l’oreille, abandonnant notre
mauvaise humeur, le grand défi est lancé, que n’aurions-nous pas ? nous
nous

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