Prophétie

Guy… Ça va mieux. Ça saigne beaucoup moins, ajoutai-je, comme il me regardait d’un air dubitatif. Allons, dépêche-toi !
    — Je vais rester avec lui », dit Harsnet. Barak hocha la tête et s’en alla.
    « Avez-vous vu qui c’était ? demandai-je à Harsnet d’un ton pressant.
    — Non. La foule était trop dense. Cela peut être n’importe lequel de ces misérables venus regarder ces malheureux boutiquiers.
    — C’était lui. » Un douloureux élancement dans le haut du bras me fit serrer les dents. « Il a attaqué Tamasin et maintenant c’est mon tour. Il m’a lacéré le bras gauche, en guise de second avertissement.
    — Mais comment pouvait-il savoir que vous seriez là aujourd’hui ? À part moi et Barak, je ne vois pas qui pouvait être au courant.
    — Vous n’aviez pas informé Cranmer que nous avions rendez-vous ? Ni les frères Seymour ?
    — Non. Je n’en ai pas eu le temps hier soir. » Il eut soudain l’air effrayé. « Grand Dieu, quels pouvoirs le diable a-t-il accordés à cette créature ? »
    Mon esprit fatigué ne trouva aucune réponse rationnelle et aucune explication à la faculté qu’avait cet individu de nous poursuivre à notre insu et de savoir où nous étions à tout moment. Soudain pris de vertiges, je fermai les yeux et dus m’évanouir, car, après un trou noir, je ressentis le contact d’une main sur mon épaule. Ouvrant les paupières, je découvris le jeune Piers dressé au-dessus de moi et scrutant mon visage d’un œil professionnel. Guy et Barak, lequel paraissait vraiment inquiet, se tenaient à ses côtés.
    « Vous vous êtes évanoui, déclara Guy. C’est le choc. Vous êtes resté inconscient une demi-heure. »
    Je constatai que j’étais allongé sur le banc de la petite pièce adjacente à la grande salle. À travers la porte fermée j’entendais l’animation et le bavardage des diverses cours. Au loin, une voix appela les parties concernées dans un procès.
    « Vous allez en avoir par-dessus la tête de moi, Guy.
    — Ne dites pas de bêtises ! Laissez-moi vous examiner. » Il prit une paire de ciseaux et coupa mon pourpoint et ma chemise. Uneprofonde blessure de trois pouces de long s’ouvrait sous mon épaule. La plaie écarlate qui se détachait sur la peau, devenue toute blanche à cause du garrot, me rappela affreusement le corps de Roger, et la tête me tourna de nouveau. « Restez allongé, me dit Guy d’une voix douce, tout en explorant la plaie du bout des doigts. Je vais la recouvrir d’un onguent pour empêcher qu’elle s’infecte, expliqua-t-il. Ensuite, il nous faudra faire une suture. Ce sera douloureux, hélas !
    — Faites le nécessaire, répondis-je, malgré la crampe à l’estomac que je ressentis. Barak, as-tu été au greffe ?
    — Oui. J’ai expliqué que vous étiez tombé malade. Les commis ont été en informer le juge qui a accepté d’ajourner les audiences. » Il hésita quelque peu, avant de poursuivre : « Harsnet suggère que vous ajourniez toutes les audiences concernant vos dossiers jusqu’à ce que cette affaire soit résolue. Cranmer et Édouard Seymour peuvent intervenir pour faciliter les choses.
    — C’est peut-être une bonne idée. On pourrait faire ajourner certaines d’entre elles à tout le moins. Bien que je doive assister à l’audience concernant le dossier d’Adam Kite le 4 du mois. L’affaire est trop délicate pour que je la confie à quelqu’un d’autre. »
    Guy était en train d’appliquer un épais onguent sur mon bras. Ça piquait. « Il faut d’abord nettoyer la plaie correctement avant d’effectuer les points de suture. Vous allez avoir mal pendant quelque temps. Et cela vous fatiguera, car votre corps fera des efforts pour se remettre. »
    Il me tapota le bras. « Bon. On va vous recoudre ! C’est Piers qui va s’en charger. Ne vous en faites pas, ce ne sera pas son coup d’essai et je le surveillerai. » Le jeune apprenti s’approcha, fouilla dans son ballot et en sortit une très fine aiguille à laquelle un fil noir était déjà attaché. « Rappelle-toi bien, lui dit Guy. Avec lenteur et précaution. » Piers s’approcha et s’agenouilla près de moi en souriant. « Je serai très doux, monsieur », murmura-t-il, avant d’abaisser l’aiguille et de transpercer ma chair.
     
     
    Deux heures plus tard, j’étais de retour à la maison, allongé sur des coussins dans la salle. Barak entra.
    « Tout est