Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
Vom Netzwerk:
défendez. La racaille, les voleurs de terre, les bons à rien… Sir Geoffrey va s’assurer que je perdrai cette clientèle…
    — Je n’ai pas le temps d’écouter ces balivernes ! »
    Sa mine furieuse, son teint livide ne m’inspiraient que du mépris.
    « Vous regretterez ce que vous m’avez fait, Shardlake ! s’exclama-t-il, tremblant de rage ou de faiblesse physique. Cette fois-ci, vous avez dépassé les bornes. J’ai pris mes dispositions pour que vous le regrettiez.
    — Vous parlez comme un diable dans un mystère, Bealknap. » Je le contournai, décidé à chasser de mon esprit ses grotesques menaces pendant que je me dirigeais vers la bibliothèque.
    « Vous ne perdez rien pour attendre, messire bossu ! cria-t-il. Tenez-le-vous pour dit ! »
     
     
    Le calme habituel régnait dans la bibliothèque. Assis aux tables, l’air sérieux et concentré, des avocats feuilletaient des ouvrages juridiques, tandis que des étudiants fouillaient dans des cartons, les sourcils froncés, la mine perplexe. J’allai consulter les livres rangés sur les hautes étagères. Les ouvrages de droit étaient classés selon l’année et ceux qui dataient du siècle dernier étaient en moins grand nombre. Dès l’apparition de l’imprimerie, on avait reproduit de plus en plus de minutes de procès, mais les livres datant du milieu du siècle dernier étaient encore peu nombreux et écrits à la main. Je trouvai le volume que je cherchais, un recueil de comptes rendus de l’année 1461 en mauvais état, les couvertures en cuir cabossées, tachées et déchirées par endroits. J’allai m’installer à un bureau dans un coin retiré de la bibliothèque, loin des fenêtres et éclairé par des bougies.
    Le compte rendu concernant ce procès était particulièrement long,comme si le rapporteur, tels mes camarades de cours jadis, avait pris plaisir à décrire en détail tous ces corps éventrés. Durant l’été de 1461, un jeune homme de Norwich répondant au nom de Paul Strodyr avait été inculpé, jugé et déclaré coupable des meurtres de neuf jeunes femmes perpétrés durant les cinq années précédentes. Six avaient été des prostituées, les trois autres étant décrites comme des jeunes femmes « respectables ». En lisant entre les lignes, on devinait que c’était la mort de ces jeunes femmes-là qui avait mis la ville en émoi. Ces meurtres semblaient avoir déclenché une énorme chasse à l’homme qui avait abouti à une dénonciation de la part d’un cousin de Strodyr qui aurait vu ce dernier, couvert de sang, le soir où s’était produit le dernier meurtre. À l’issue du procès, une fois la condamnation prononcée, l’accusé avait fini par avouer, pestant contre le fléau que représentent les prostituées et déclarant que Dieu voulait qu’on les anéantisse.
    Plusieurs éléments me frappèrent. D’abord, loin d’être comme Gilles de Rais un grand seigneur puissant, Strodyr n’était qu’un ouvrier agricole. Il ne présentait, d’autre part, aucun indice manifeste de folie, le rapporteur le décrivant comme un jeune homme joyeux et très sociable qui travaillait dans des fermes de la région. Enfin, le compte rendu ne disait rien d’autre sur le meurtrier, qui fut condamné à la pendaison. S’il avait fait quelque déclaration durant le procès, avant le verdict, le texte n’en soufflait mot.
    Reposant le livre, je me mis à réfléchir. Ainsi donc Guy avait raison : il y avait bien déjà eu des exemples de meurtres en série sans mobile apparent. Cette fois-là, le tueur avait été arrêté, mais la banalité de la condition de Strodyr et le fait qu’auparavant personne n’avait paru le trouver bizarre ne faisaient qu’accentuer les difficultés auxquelles nous devions faire face pour retrouver notre assassin. Et dans une ville de la taille de Londres, sans doute dix fois plus vaste que Norwich, il était bien plus difficile de mettre la main au collet d’un homme œuvrant en solitaire. Je repensai à l’enfant cruel que j’avais rencontré quelques années plus tôt. S’il avait vécu plus longtemps, serait-il devenu un autre Strodyr, un nouveau Rais ? Impossible de le savoir.
     
     
    Je retournai à mon cabinet et travaillai un certain temps. Je sursautai quand la porte s’ouvrit et que Barak entra, l’air fatigué, sentant la sueur, mais le sourire aux lèvres.
    « J’ai les adresses, dit-il. Et des nouvelles. »
    Je jetai ma plume sur le

Weitere Kostenlose Bücher