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Quand un roi perd la France

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Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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par tous moyens de cajolerie, de flatteries et de
plaisir, et même par le moyen des femmes, car je sais des demoiselles, dont la
Gracieuse que j’ai déjà dû vous nommer, et aussi une Biette Cassinel, qui sont
fort dévouées au roi de Navarre et dont on dit qu’elles ont mis de l’entrain
dans les petites fêtes des deux beaux-frères. À la faveur de quoi, s’étant fait
son maître en péché, le Navarrais commença de sourdement encourager le Dauphin
contre son père.
    Il lui représentait que le roi Jean
ne l’aimait guère, lui, son aîné fils. Et c’était chose vraie. Qu’il était
piètre roi. Et c’était vrai encore. Qu’après tout, ce serait œuvre pie que
d’aider Dieu, sans aller jusqu’à abréger ses jours, au moins à le déchasser du
trône. « Vous feriez, mon frère, un meilleur roi que lui. N’attendez point
qu’il vous laisse un royaume tout effondré. » Un jeune homme est aisément
pris à cette chanson-là. « À nous deux, je vous l’assure, nous pouvons
accomplir cela. Mais il faut nous gagner des appuis en Europe. » Et
d’imaginer qu’ils aillent trouver l’empereur Charles IV, l’oncle du
Dauphin, pour requérir son soutien et lui demander des troupes. Rien de moins.
Qui eut cette belle idée d’appeler l’étranger pour régler les affaires du
royaume et d’offrir à l’Empereur, qui déjà donne tant de fil à retordre à la
papauté, d’arbitrer le sort de la France ? Peut-être l’évêque Le Coq, ce
mauvais prélat, que Navarre avait ramené dans l’entourage du Dauphin. Toujours
est-il que l’affaire était bien montée, et poussée fort avant…
    Quoi ? Pourquoi s’arrête-t-on
quand je ne l’ai pas commandé ? Ah ! des fardiers encombrent la
route. C’est que nous entrons dans les faubourgs. Faites dégager. Je n’aime
point ces arrêts imprévus. On ne sait jamais… Quand il s’en produit, que
l’escorte se resserre autour de ma litière. Il y a des routiers pleins d’audace
que le sacrilège n’effraie point, et pour qui un cardinal serait de bonne
prise…
    Donc, le voyage des deux Charles,
celui de France et celui de Navarre, était résolu dans le secret ; et l’on
sait même à présent qui devait être de l’équipée qui les conduirait à
Metz : le comte de Namur, le comte Jean d’Harcourt, le très gros, à qui il
allait arriver malheur, comme je vous dirai ; et aussi un Boulogne,
Godefroy, et Gaucher de Lor, et puis bien sûr les sires de Graville, de Clères
et d’Aunay, Maubué de Mainemares, Colin Doublel et l’inévitable Friquet de
Fricamps, c’est-à-dire les conjurés de la Truie-qui-file. Et aussi, la chose
est d’intérêt car je pense bien que c’étaient eux qui baillaient finance à
l’expédition, Jean et Guillaume Marcel, deux neveux du prévôt, qui étaient dans
l’amitié du roi de Navarre et qu’il conviait à ses réjouissances. Comploter
avec un roi, cela éblouit toujours les jeunes bourgeois riches !
    Le départ était prévu pour la
Saint-Ambroise. Trente Navarrais devaient attendre le Dauphin à la barrière de
Saint-Cloud, au soir tombant, pour le conduire à Mantes chez son cousin ;
et de là ce beau monde gagnerait l’Empire.
    Et puis, et puis… tout ne peut être
contraire toujours à un homme qui a le mauvais sort, et même le plus sot des
rois ne parvient pas à tout manquer… La veille, jour de la Saint-Nicolas, notre
Jean II a vent de l’affaire. Il mande son fils, le cuisine assez bien, et
le Dauphin, lui faisant l’aveu du projet, prend le sentiment du même coup qu’il
s’est fourvoyé, non seulement pour lui-même, mais pour l’intérêt du royaume.
    Là, le roi Jean, je dois le dire, se
conduisit plus habilement qu’à son accoutumée. Il ne retient contre son fils
que d’avoir voulu quitter le royaume sans son autorisation, lui montre gré de
sa franchise en lui accordant tout aussitôt pardon et rémission de cette faute,
et, découvrant que son héritier avait de la décision personnelle, déclare
vouloir l’associer plus étroitement aux charges du trône en le faisant duc de
Normandie. C’était bien sûr l’envoyer dans un piège, que de lui remettre ce
duché tout peuplé de partisans des Évreux-Navarre ! Mais c’était bien
joué.
    Monseigneur le Dauphin n’avait plus
qu’à prévenir le Mauvais qu’il rendait la liberté à tous ceux qui étaient dans
la confidence de leur dessein.
    Vous pensez bien que cette affaire
n’avait pas fait

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