Quelque chose en nous de Michel Berger
père de mes enfants, dans mon lit, mon auteur, mon compositeur, mon réalisateur, mon producteur. Son imagination, son inspiration, c’est autre chose.” »
Pour Saint-Paul, pompier de la carrière de Véronique, en revanche, il y a du boulot pour parvenir à ses fins. « J’appelle Paul Buckmaster. Cynique, baroque, un goût incroyable. Un genre de Limonov, un dandy provocateur, mais extrêmement talentueux. On avait bossé ensemble sur “The Fool” de Gilbert Montagné, mon premier succès, que j’avais produit avec l’argent de Salvatore Adamo. Il avait refusé d’écrire les cordes de Starmania , et renâcle. Je le rejoins à Los Angeles au Château Marmont, où il réside. On passe trois jours ensemble. Il est tout seul, compose des musiques pour les séries télévisées pour gagner sa vie. Il me fait écouter les maquettes d’Elton John au piano, très squelettiques, ce qui me remonte le moral. Je lui expose le concept : les chansons de Michel Berger interprétées par Véronique. Il est séduit par elle. Si quelqu’un peut redonner de la structure à ces chansons, c’est lui. Véronique ne se souvient pourtant pas de lui, alors qu’elle adorait tous les albums d’Elton qu’il avait arrangés. Pour que ça coûte moins cher, on va faire ça en Italie où Paul, fils d’une cantatrice, a fait ses études à l’opéra de Naples. On a enregistré les cordes à Rome, dans le studio d’Ennio Morricone. »
Il convient ici de revenir un instant sur les avanies qui ont conduit Véronique Sanson, la plus formidable artiste française de sa génération, à la dérive qu’elle chroniquera dans « La douceur du danger » et abondamment commentée depuis. Après son AVC à l’âge de quinze ans, le coma et l’amnésie qui se sont ensuivis, elle a été maltraitée, blessée, tabassée,menacée, séquestrée, par Stephen Stills, séparée de longs mois de son fils Christopher, consignée aux États-Unis sous peine de le perdre, a traversé quelques autres relations pas toujours toutes épanouissantes, été accro à la cocaïne et à l’alcool, avec des conséquences dramatiques sur sa santé (embolie pulmonaire, phlébite, syncopes) comme certaines de ses apparitions publiques sur lesquelles nous n’insisterons pas ici. Et finalement se découvre une maladie sanguine incurable, sorte d’hémophilie épuisante, épée de Damoclès permanente, qui explique certainement, sans forcément les justifier tous, nombre de ses comportements parfois erratiques. Sa douleur efface sans doute sa faute, comme elle aime le penser, dans ce besoin masochiste de toujours se punir de quelque chose, elle dont le talent n’a(vait ?) pourtant pas d’égal.
En 1999, en tout cas, après une période difficile, elle n’est pas au top, comme le souligne son producteur. « Véronique n’a pas d’avis sur le choix des titres. Elle n’est pas motivée. Elle sait seulement qu’elle ne veut pas chanter les chansons de France. »
Il rencontre aussi des difficultés avec France Gall, qui refuse que les textes soient imprimés sur la pochette et qu’une photo de Michel et Véronique y figure. L’album, dont le titre cite une phrase de « Quelques mots d’amour » en référence aux étiquettes du label Elektra de Véronique, la marque au papillon, constitue malgré tout cela une réussite, autant grâce aux somptueux arrangements de Buckmaster qu’à l’interprétation de Véronique, jamais meilleure que sur les morceaux qui la concernent directement, tirés des deux premiers albums de Michel, avant qu’il ne rencontre France Gall : « Pour me comprendre », « Chanson pour une fan », « L’un sans l’autre », « Attends-moi » et « Si tu t’en vas », où il donnaitrendez-vous à leur amour impossible dans une autre vie. Les chansons plus récentes sont moins essentielles, la production froide, les synthétiseurs et les rythmiques séquencées en sonnent datés, et Véronique moins connectée à leur propos, moins « sensibilisée ». « J’ai eu tant de fois, en chantant, la gorge plus serrée que les cordes vocales ouvertes », écrit-elle dans le livret qui accompagne le CD. Le projet l’a revitalisée, comme l’assure un « véroniquologue ». « Au moment de la préparation de la scène, je peux témoigner de son enthousiasme et de sa forme, même si l’idée de jouer sur scène une musique qu’elle n’avait pas composée la terrifiait passablement. »
La tournée débute le 18 janvier 2000 à
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