Qui étaient nos ancêtres ?
balancier de l’horloge et des verres que l’on choque. Ce silence, dès lors qu’il s’intègre dans des mises en scène reconnues, vaut très cher. On sait que si la parole, rarement prononcée, équivaut son pesant d’argent, souvent tant au propre qu’au figuré, est rare, le silence lui est réputé d’or. La parole n’intervient jamais qu’en phase ultime, en justice, par la bouche des témoins, ou en affaires, par la bouche du notaire qui lit l’acte qu’il a rédigé avant de le faire signer et sceller. Elle n’intervient qu’après que l’on a épuisé tous les gestes, comme notre notaire prend d’ailleurs soin de le rappeler dans les rédactions de ses actes.
Une demande en mariage en 1870
Si, dans les milieux ruraux, les anciens préparaient les mariages et concoctaient les couples de cavaliers et cavalières qui se trouveraient réunis dans les cortèges, dans les classes dominantes, les vieilles tantes et les relations occupaient une partie de leur temps à organiser des présentations et à favoriser des rencontres, où le hasard était à grand-peine simulé.
C’est Georges et Madeleine à qui l’on s’arrange, en 1928, pour faire faire quelques pas ensemble, rue Royale, sous un même parapluie, à la sortie d’une messe à la Madeleine – promenade qui scellera leurs destinées… Les futurs ne se connaissent pas ? Qu’importe ! En 1880, Francis Duverne est un garçon difficile à caser. Fils d’une bonne famille, il a malheureusement un père qui s’est compromis aux côtés des Communards, n’a qu’une situation fort modeste, et n’est pas non plus un Apollon. Il vit modestement dans un petit appartement de Chalon-sur-Saône, dont la propriétaire a, à Saint-Étienne, une nièce qui commence « à monter en graine ». Cette logeuse prend donc les choses en mains et, après avoir préparé le terrain, envoie carrément son protégé faire sa demande. Francis est accueilli en gare par un père « bien ganté, astiqué, cravaté (et portant) chapeau haut de forme », qui le conduit à l’hôtel et le convie à dîner.
« À l’heure dite, je grimpe les quatre étages. Je suis reçu par la maîtresse de céans, que je connaissais pour l’avoir vue deux fois à Chalon. Bruyantes exclamations de sa part. Réserve bien naturelle de Mlle Anna, souriante et élégante dans un costume qui la serre démesurément et lui fait une taille de guêpe, comme c’était de rigueur à l’époque. En attendant que Madame soit servie, je suis introduit au salon. Je lève les yeux sur Mademoiselle, qui supporte mon regard sans broncher. Le père, pétillant, sautillant, arrive, le sourire aux lèvres. On se met à table. Mademoiselle à côté du soupirant. Insensiblement, j’approche mon couvert du sien, pas de recul… (…) On me demande une chose, une autre ; je réponds. Puis, la table desservie, un jeu de cartes est apporté ; c’est le traditionnel « Cinq-Cents » : les deux vieux contre les deux jeunes. Le jeu est bien choisi : il convient de se montrer ses cartes, et c’est là une occasion de se rapprocher ; nos épaules se frôlent. Toujours pas de recul…. »
Autre temps, autres mœurs, et surtout autres codes. Après sa partie de Cinq-Cents, notre candidat s’en retourne le lendemain soir à Chalon. Quinze jours après, il est présenté comme fiancé officiel…
Rameaux d’olivier et mottes de terre :
poids des mots et symbolique des gestes
Les formules des notaires d’autrefois nous semblent lourdes et redondantes ? Peu importe. Elles entendent mettre l’accent sur des points essentiels, qui doivent être soulignés, non seulement à l’écrit, auquel peu ont accès, mais à l’oral. Et c’est pour les souligner que l’on choisit de les répéter et de les développer.
Dans un acte de vente, il est bien précisé que le propriétaire de la chose cédée « vend et a vendu ». L’action, dès qu’elle a lieu, doit prendre force certaine et durable. Cette vente se fait « purement, simplement et pour toujours » et les vendeurs « vendent, cèdent et quittent à toute perpétuité et à jamais ». Un notaire savoyard voulant bien justifier de la qualité de propriétaire de l’homme qui vend un pré notera que celui-ci « icelle pièce sus vendue avoir, tenir, jouir, gaudir, user et perpétuellement posséder ». C’est ainsi que celui qui renonce à un héritage, « cède, quitte, remet, vide et désempare » ou que
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