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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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moins qu’il ne lui torde sans ménagement le bras. Dans les régions du Sud, en Provence et en Béarn, il lui lance des petits cailloux : Qui tira pedretas, tira amoretas. « Qui lance des pierres, lance l’amour », dit-on en Catalogne. En Bourgogne, à la fête ou au marché, le gars pille la fille qui lui plaît, en lui arrachant son peigne, son bouquet ou un anneau. En Ile-de-France, il vise son mouchoir, tâchant de le lui soustraire d’un coup sec, lorsqu’elle se prépare à se moucher. Le Morvandiau, moins raffiné, lui donne carrément des claques. Mais la fille reçoit toujours ce message « cinq sur cinq », et y répond sur le même registre, et s’ils se trouvent d’accord, les deux tourtereaux se serrent les mains ou se donnent de bonnes tapes dans le dos.
    Timides, maladroits, brutaux ? Amour ou gymnastique ? Amour, oui, mais amour obéissant à un code rigoureux, un code que nos ancêtres, qu’ils soient ou non timides, respectent. Tout est pesé, et lorsqu’il faudra parler, on le fera également de certaines façons et par certaines formules. Les deux mains se serrent à une veillée ? Lorsqu’on boit, on choque un bon coup les écuelles et, sans que les regards se croisent, on prononce des paroles détournées : « À celui qui marche sur les remparts de votre cœur », dira le Dinanais. À quoi il devra s’entendre répondre : « Mon cœur n’est pas une citadelle. Il n’y a pas de sentinelle », ce qui signifiera bien sûr que la voie est libre.
    Tout est codifié. On se souvient du don des morceaux de cochon dont la grosseur doit être proportionnée à l’amitié. En matière amoureuse et matrimoniale, tout l’est également plus ou moins, et le moment de la demande en mariage est sans nul doute le temps où ce phénomène atteint son paroxysme.
    Ça passe ou ça casse : le langage codé du croque-avoine
    L’affaire est en route. Bien du chemin a été fait, depuis le premier geste symbolique, celui de la branche déposée, au matin du 1 er mai, sur le rebord de la fenêtre de la fille élue. Les mois ont passé. « L’oie est au pot et le cochon au saloir » : l’hiver arrive. À la veillée, la fille s’est assise sur les genoux de son galant. Parfois même, elle a laissé, comme on le verra, « le chat aller au fromage ». On va pouvoir parler mariage, et pourtant, on s’en garde bien. Quand arrive le temps de la demande, c’est un nouveau scénario qui se met en place, avec l’intervention d’un nouvel acteur : l’entremetteur.
    Son nom varie selon les régions : merlet, marieur, accordeur , ambassadeur , couratier , menadour, kouriter en Bretagne, mais aussi coupe-jarret et croque-avoine. Il est traditionnellement recruté parmi les bergers ou les tailleurs d’habits, qui ne manquent pas l’occasion de passer dans les maisons pour y prendre et livrer les commandes.
    Il arrive, muni d’un signe visible de reconnaissance, marchant avec un bâton blanc (écorcé), enrubanné, ou portant un rameau de genêt à son vêtement ou à son chapeau. Les parents comprennent immédiatement. Tout se sait. Non seulement ils savent de quoi il s’agit, mais ils savent également très bien par qui l’homme est mandaté. Selon qu’ils agréent ou non le projet et le candidat, leur comportement va varier. L’homme sera ou ne sera pas invité à s’asseoir, la mère roulera ou déroulera ostensiblement son tablier, ôtera un objet de la table ou y placera un ustensile en évidence, à l’endroit ou à l’envers, éteindra le feu ou ira le tisonner. L’entremetteur se verra ou non offrir un verre, un repas maigre ou un repas gras (omelette ou viande), tendre ou non un objet, comme on peut, en Lorraine, lui présenter une caissate, autrement dit une casserole, vide.
    On échangera peu de paroles. On ne prononcera aucun des mots qui vous amènent, comme ceux de mariage ou de fiançailles. On se contentera de regarder et de suivre ce gestuel, dont on possède le code. Si l’accueil a été favorable, on trinquera en choquant les verres ou en se frappant dans les mains, sans jamais, là encore, en dire plus. De la sorte, une demande en mariage n’est jamais officiellement refusée, aucune parole définitive n’est jamais prononcée. Aucun affront n’est subi, l’honneur est sauf. Un refus serait une offense grave : Le « non » est presque tabou !
    La demande en mariage, si elle est acceptée, le sera donc en silence, avec pour tout bruit ceux du

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